Alastair Campbell: «Je suis très fier de ce que l'on a accompli avec Tony Blair»
INTERVIEW•L'ancien directeur de la stratégie et de la communication de Tony Blair se confie à «20 Minutes», alors que son livre paraît...Propos recueillis par Armelle Le Goff
Alastair Campbell a été directeur de la stratégie et de la communication du 10 Downing Street de 1997 à 2003. Il présente mercredi à 19h30 «The Blair Years: The Alastair Campbell Diaries» à La Librairie Anglaise, 248 rue de Rivoli, Paris 1er, sur ses années Blair. Interview.
Pourquoi avoir écrit «The Blair Years: The Alastair Campbell»?
C’est un journal que j’ai écrit tous les jours pendant que je travaillais avec Tony Blair, et dont j’ai toujours pensé que je le publierai lorsqu’il quitterait le pouvoir. Je tenais à apporter ma contribution à ce moment-là: je ne voulais pas être tributaire des mots des journalistes et des commentateurs. L’objectif, c’était de dresser le portrait de Blair et de son équipe, au moment où il était Premier ministre.
Chérie Blair dit de vous que vous êtes le plus fidèle collaborateur de son mari…
Elle dit aussi d’autres choses moins sympathiques (dans son autobiographie «Speaking for myself», elle raconte que Campbell et Blair auraient décidé d’un commun accord de révéler sa fausse-couche, qui entraînait l’annulation des vacances du couple, pour éviter que les médias ne spéculent sur l’imminence de l’invasion en Irak, en 2002, ndlr). C’est vrai que j’ai toujours cru à ce que je faisais à ses côtés. Je l’ai rencontré alors que j’étais journaliste au «Daily Mirror» (quotidien réputé travailliste, ndlr), en 1983. Je m’en souviens comme si c’était hier. A l’époque, il venait d’être élu député, et, tout de suite, on a parlé modernisation du parti. En 1994, il m’a demandé de travailler avec lui. Je savais qu’il fallait que j’accepte, mais j’y ai quand même réfléchi pendant un mois, car ma famille et mes amis étaient contre. Aujourd’hui, je suis très fier de ce que l’on a accompli ensemble au pouvoir, entre 1997 et 2003.
En 2003, vous quittez le pouvoir par usure?
Je crois que c’est le genre de boulots que l’on ne peut pas faire indéfiniment. D’autant, qu’à mon poste, j’étais là où la politique et les médias sont en contact et ce n’est pas un bel endroit. Chez nous, les médias sont affreux. C’est difficile de comprendre cela en France, parce que le rapport entre médias et politique est très différent. A la fin, cela devenait terrible. C’est comme de vivre avec quelqu’un qui cherche sans cesse à vous détruire.
Vous faites allusion à l’affaire David Kelly, spécialiste de l'armement irakien, qui s’est suicidé le 17 juillet 2003, après que son nom a été donné à la presse?
Oui. Le jour où l’on a appris sa mort a été l’un des pires jours de ma vie et j’ai réalisé qu’il était temps pour moi de partir, que je n’en pouvais plus. Par la suite, Tony Blair et moi avons été blanchis par l’enquête, mais cela reste l’un des moments les plus durs de ces sept années.
Que pensez-vous du bilan qui est fait aujourd’hui des années Blair, et qui n’est pas forcément très positif?
J’ai la conviction que même les gens qui ne l’aiment pas ont du respect pour lui, parce qu’il a permis aux travaillistes de gagner trois élections (1997, 2001, 2005).
Mais, justement, est-ce qu’il n’a pas pris le pouvoir en trahissant le parti?
Ceux qui ont trahi la philosophie travailliste, ce sont ceux qui ont adhéré trop longtemps à une idéologie trop ancienne. Sans le pouvoir, on est impuissant. Il y a tant de choses que Blair a accomplies.
Par exemple?
Il a obtenu la paix en Irlande du Nord. Et la liste est longue des Premiers ministres qui ont essayé sans y parvenir. La dévolution écossaise est un autre exemple de ce qu’il est parvenu à imposer. On a aussi créé le salaire minimum, une revendication du parti travailliste depuis sa création, il y a 108 ans.
Quel rôle pourrait-il jouer aujourd’hui, à votre avis?
Il est très déterminé sur la question du Moyen-Orient –le 26 juin 2007, il a été nommé émissaire spécial par le Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies)- et je crois que son expérience de l’Irlande du Nord peut l’aider dans cette mission. Il s’investit aussi beaucoup dans sa fondation pour le dialogue interreligieux, car il est très croyant.
Que pensez-vous de David Cameron, qui passe pour le Tony Blair des conservateurs?
On veut le faire passer pour le successeur conservateur de Tony Blair, mais je ne crois pas que cela soit le cas. Il est là depuis trois ans, mais il a avancé très peu de choses dans le débat d’idées. Il est dans une position très attentiste, qui n’était pas celle de Blair à l’époque où il était dans l’opposition, entre 1994 et 1997. En outre, je sentais alors un vrai enthousiasme pour nos idées, que je ne retrouve pas pour Cameron aujourd’hui.
Vous avez lu «Speaking for myself» de Cherie Blair?
Non
Pourquoi?
En ce moment, je lis un roman de Douglas Kennedy. Mais j’ai lu les extraits publiés par le «Times» . C’est sûr, nos relations n’ont pas toujours été faciles, parce qu’elles mélangeaient le professionnel et le personnel. Mais ce qui est certain, c’est qu’elles n’ont jamais entamé mon amitié avec Tony Blair, que j’aime toujours beaucoup. Je crois même que je le respecte plus qu’avant de travailler avec lui.