ITALIEMaintenance, vétusté... Cinq questions sur l'effondrement du pont à Gênes

VIDEO. Pont de Gênes: Cinq questions pour essayer de comprendre l'effondrement du viaduc

ITALIEAprès l'effondrement du viaduc de Gènes, beaucoup de questions se posent sur la sécurité des infrastructures italiennes notamment...
Oihana Gabriel

O.G.

L'essentiel

  • Mardi, un tronçon du pont Morandi s'est effondré brutalement, provoquant la mort d'au moins 39 personnes, dont quatre Français.
  • Rapidement, la question de la reponsabilité s'est posée et la société concessionnaire a été pointée du doigt.
  • Problème de conception ou de maintenance? Infrastructures périlleuses? «20 Minutes» tente de répondre à cinq questions que ce drame pose.

Les pelleteuses, chiens et secouristes étaient toujours à pied d’œuvre ce jeudi dans les décombres du pont Morandi, à Gènes, avec toujours l’espoir de retrouver des rescapés de la catastrophe. Un drame survenu mardi après-midi qui pose beaucoup de questions sur les causes de cet effondrement et la vétusté des infrastructures italiennes notamment.

Combien de victimes ?

Si les chiffres risquent encore d’augmenter, le lourd bilan n'a pas évolué cette dernière nuit : 39 morts et 16 blessés, dont neuf se trouvent encore dans un état grave. Mais il reste probablement des véhicules et des passagers bloqués dans les amas de bétons et de ferrailles. Trois enfants âgés de 8 à 13 ans figurent parmi les morts. Quatre jeunes Français ont également perdu la vie dans ce drame, ainsi que trois Chiliens et un Colombien. L’Italie observera samedi une journée de deuil national et une cérémonie de funérailles solennelles sera organisée pour les victimes.

Les opérations de secours se poursuivaient dans la nuit du 14 à 15 août 2018 à Gênes pour retrouver d'éventuels survivants après l’effondrement d'un viaduc.
Les opérations de secours se poursuivaient dans la nuit du 14 à 15 août 2018 à Gênes pour retrouver d'éventuels survivants après l’effondrement d'un viaduc. - Flavio Lo Scalzo/AP/SIPA

Comment un viaduc peut-il s’effondrer ainsi ?

C’est LA grande question, qui n’a pas tardé à surgir peu après la catastrophe. L’effondrement « n’est pas dû à la fatalité », a martelé le procureur de Gênes, Francesco Cozzi, venu sur les lieux, alors que l’enquête venait seulement de débuter. Les images ne laissent aucun doute : la rupture est nette sur ce viaduc long de 1,18 km, un ouvrage en béton de la fin des années 1960.

Le pont Morandi s'est effondré mardi 14 août 2018, avec une rupture nette de sa structure.
Le pont Morandi s'est effondré mardi 14 août 2018, avec une rupture nette de sa structure. - SIPA

Et rapidement, les politiques ont cherché des responsables. C’est la société Autostrade per l’Italia, qui appartient à Atlantia, lui-même contrôlé à 30 % par la famille Benetton, qui était en charge de la maintenance de ce viaduc. Le gouvernement italien a confirmé mercredi qu’il allait révoquer la concession de cette société.

Y avait-il un problème de maintenance ?

Il est trop tôt pour le dire, mais l’enquête devrait se pencher sur cette question de fond. Pour Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), le pont s’est écroulé « parce que la maintenance n’a pas été faite ».

Sous le feu de critiques incendiaires de toutes les figures du gouvernement, la direction d’Autostrade per l’Italia, qui gère près de la moitié des quelque 6.000 km d’autoroute du pays, a mis en avant mercredi le sérieux de sa surveillance de l’ouvrage. Le tronçon de Gênes était analysé « à un rythme trimestriel en suivant les normes légales et avec des vérifications supplémentaires d’appareils hautement spécialisés », a-t-elle avancé. Quant au ministre des Transports, Danilo Toninelli, il a souligné que « les premières indications sembleraient indiquer que la maintenance avait été faite ».

Ou un défaut de construction ?

Selon plusieurs experts, ce pont était truffé de problèmes structurels dès sa construction et l’objet d’un coûteux entretien. Selon la société italienne des autoroutes, des travaux de consolidation étaient d’ailleurs en cours sur la base du viaduc. Antonio Brencich, professeur agrégé en structures de béton à la faculté d’ingénierie de Gênes, interrogé par ingegneri.info, assure que dès son inauguration, en 1967, « le viaduc a présenté plusieurs aspects problématiques, en plus de coûts de construction plus élevés que ce qui avait été estimé », ainsi qu’une « évaluation erronée des effets différés (viscosité) du béton qui a produit un tablier non horizontal ». Roger Frank, professeur honoraire de l’École des ponts ParisTech, interrogé par Le Parisien précise que « cet ouvrage est construit à partir de béton et d’acier, des matériaux vieillissant mal. Le béton se dégrade. L’acier, lui, est soumis à la corrosion. Ce sont deux phénomènes bien connus. Mais l’évolution de cette dégradation dépend de biens des facteurs, dont les conditions climatiques et des forces appliquées au pont. »

Le Premier ministre Giuseppe Conte s'est rendu à Gênes sur les lieux de la catastrophe mardi 14 août 2018, à Gênes.
Le Premier ministre Giuseppe Conte s'est rendu à Gênes sur les lieux de la catastrophe mardi 14 août 2018, à Gênes. - SIPA

Les routes italiennes sont-elles dangereuses ?

La liste des catastrophes routières en Italie s’avère longue… Le viaduc de Gênes est le cinquième pont à s’effondrer en Italie en cinq ans : deux en Sicile en 2014, dont l’un le lendemain de son inauguration, et deux autres en Lombardie et dans les Marches en 2017.

Cette série « prend un caractère de régularité inquiétante », a relevé Antonio Occhiuzzi, expert à l’Institut de technologie des constructions au Centre national de recherches (CNR), selon lequel « des dizaines de milliers de ponts en Italie ont dépassé aujourd’hui la durée de vie pour laquelle ils avaient été conçus et construits », et nécessitent une rénovation. Un constat alarmant partagé par le Corriere della Sera qui estime que 60 % des viaducs et ponts en ciment construits il y a plus de cinquante ans dans le pays seraient dangereux.

Que faire ? Danilo Toninelli, le ministre des Transports, a annoncé, mercredi, un audit général des ponts et des tunnels vieillissants dans toute l’Italie. Déjà en 2017, un article des Echos relevait une baisse drastique de moyens pour le réseau routier chez notre voisin : en effet, l’Italie aurait manqué de plus de 10 milliards d’euros d’investissement pour ses routes en huit ans.

Mais les appels à un grand plan d’investissement dans les infrastructures risquent de se heurter aux réticences du M5S. En 2013, le fondateur du parti, Beppe Grillo, avait dénoncé un projet de nouveau tronçon autour de Gênes en raillant « la vieille fable de l’écroulement imminent du pont Morandi »…