DIPLOMATIECinq choses à savoir sur un sommet historique Trump-Kim

Rencontre Trump-Kim: Cinq choses à savoir sur un sommet historique

DIPLOMATIEEnjeux, sécurité, personnalités imprévisibles, île paradisiaque: ce qu'il faut savoir sur la rencontre de mardi entre les dirigeants américain et nord-coréen...
Mathias Cena

Mathias Cena

Cette fois, ça y est. Après moult discussions, tergiversations, échanges plus ou moins houleux et une annulation, le sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un devrait enfin avoir lieu à Singapour, mardi à partir de 9h (3h, heure française). Cette rencontre, la toute première entre un président américain en exercice et un dirigeant nord-coréen, est aussi la plus lointaine excursion à l’étranger de Kim Jong-un depuis sa prise de fonction, après deux récents allers-retours en Chine et quelques pas en Corée du Sud. Des objectifs ambitieux au dispositif de sécurité, voilà ce qu’il faut savoir sur le sommet.

1. Des objectifs ambitieux

C’est « une occasion unique » qui « ne se représentera jamais », a déclaré Donald Trump. D’un côté, les Etats-Unis demandent de Pyongyang sa « dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible » (CVID). De l’autre, la Corée du Nord, qui évoque souvent le sort de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi, exige que sa sécurité soit garantie et les sanctions dont elle fait l’objet levées. A la clé également, la « normalisation » du pays et son accueil au sein de la communauté internationale.

Des objectifs simples sur le papier, dont la mise en œuvre s’annonce évidemment beaucoup plus ardue. Pour Siegfried Hecker, un expert américain reconnu des questions nucléaires, la dénucléarisation immédiate est « inimaginable » car elle équivaudrait à « une reddition nord-coréenne ». Il imagine plutôt une feuille de route sur 10 ans qui consisterait à « suspendre, faire reculer et éliminer » les programmes balistique et nucléaire. Le menu sera très chargé pour une seule journée de rencontre, et si les choses se passent bien, le sommet pourrait s’étendre sur un deuxième jour, selon des sources de CNN.

2. Deux personnages imprévisibles

La part d’inconnu de ce sommet tient principalement à la personnalité des deux négociateurs. Donald Trump mise beaucoup sur son caractère imprévisible, comme il le montre tweet après tweet et le théorise dans son livre The Art of the Deal, paru en 1987. Mais Kim Jong-un, qui a pu étudier le best-seller, dont il a reçu une copie des mains de Dennis Rodman l’an dernier, a déjà montré, entre tirs de missiles et accolade avec le président sud-coréen, ses talents de négociateur et son appétence pour la stratégie dite « du bord de l’abîme ». Les points communs de ces deux dirigeants atypiques, adeptes de l’attention, de la provocation et de la confrontation, pourraient les rapprocher.

Les sosies de Kim Jong-un (Howard X) et Donald Trump (Dennis Alan) exécutent une danse de joie à Singapour, le 8 juin 2018.
Les sosies de Kim Jong-un (Howard X) et Donald Trump (Dennis Alan) exécutent une danse de joie à Singapour, le 8 juin 2018. - ROSLAN RAHMAN / AFP

3. Une île paradisiaque en toile de fond

L’île de Sentosa, ses hôtels, ses plages, ses golfs, ses casinos… et son sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un. Rien ne prédestinait ce caillou de moins de 5 km², relié à Singapour par un pont, à accueillir la rencontre internationale la plus chaude de l’année. Depuis les années 1970, l’île a connu un fort développement commercial et touristique, avec la construction d’un téléphérique qui la relie à Singapour, du plus grand aquarium du monde (à l’époque) et d’un parc Universal Studios. Les deux responsables pourront se retrouver sous l’œil bienveillant du « merlion » (« lion-sirène »), une statue de 37m de haut représentant une créature mythique à tête de lion et à queue de poisson, symbole de Singapour. L’île accueille également une faune abondante de lézards, de singes et de paons, ainsi que de nombreux spots à Instagram où les deux dirigeants pourront se pavaner pour la photo officielle.

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Le passé de Sentosa (qui signifie « tranquillité ») est beaucoup plus sombre. Jusqu’en 1970, l’île s’appelait Blakang Mati (« derrière la mort »), un nom qui pourrait faire référence à la présence ancienne de pirates. Pendant l’occupation japonaise de 1942 à 1945, elle a aussi accueilli des batteries d’artillerie et un camp de prisonniers, et été le théâtre du massacre de Chinois par l’armée impériale nipponne, qui y avait également fait venir des femmes de réconfort coréennes.

4. Une sécurité hors norme

C’est l’un des points majeurs de ce sommet, et sans doute la raison pour laquelle Sentosa, accessible uniquement par un pont ou par téléphérique, a été choisie. L’île entière a été déclarée « zone spéciale » jusqu’à jeudi, ce qui autorise la police à arrêter et fouiller n’importe qui. Transporter des drapeaux, pancartes ou matériaux inflammables y est interdit. La rencontre aura lieu au Capella Hotel, établissement cinq étoiles dessiné par l’architecte britannique Norman Foster, dont les 112 chambres et suites donnent sur la mer de Chine méridionale. « Le terrain de l’hôtel est étendu et relativement isolé, et il n’y a pas de hauts immeubles aux alentours, ce qui réduit la menace sécuritaire et le risque d’être observé », note Julian Taylor, un expert en gestion de crise interrogé par le Straits Times. Les services de sécurité auront malgré tout fort à faire pour organiser les déplacements des délégations depuis leurs hôtels respectifs à Singapour et pour déjouer les tentatives d’espionnage de puissances étrangères.

Un technicien installe une caméra de surveillance à proximité de l'Hôtel Capella, sur l'île de Sentosa, Singapour, le 9 juin 2018.
Un technicien installe une caméra de surveillance à proximité de l'Hôtel Capella, sur l'île de Sentosa, Singapour, le 9 juin 2018. - Wong Maye-E/AP/SIPA

5. L’un des sommets les mieux couverts du monde

Plus de 3.000 journalistes devaient être sur place pour couvrir l’événement. La télévision publique japonaise NHK aurait ainsi réservé des avions et des chambres d’hôtels pour 100 personnes, la BBC aurait envoyé 80 journalistes, et 100 reporters sud-coréens auraient fait le déplacement, d’après le quotidien en anglais de Singapour The Straits Times, ainsi que 100 journalistes étrangers basés à Séoul. L’information a un prix : les espaces privatisés du media center se monnaient pour 8.000 dollars singapouriens (5.000 euros) les 12m², selon le journal conservateur japonais Sankei, qui se demande, indigné, si les frais de gite de Kim Jong-un ne seront pas financés par les journalistes. La location des lieux réservés aux retransmissions en direct coûterait aux médias jusqu’à 15.000 dollars (9.500 euros) la journée.

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