Espagne: Le gouvernement de Mariano Rajoy vit-il ses dernières heures?
MOTION DE CENSURE•Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy est affaibli depuis la condamnation de son parti dans un procès pour corruption...Hélène Sergent
L'essentiel
- Vendredi 1er juin, les élus espagnols doivent se prononcer sur une motion de censure déposée par le Parti socialiste espagnol (PSOE).
- Cette motion a été déposée après la condamnation le 24 mai dernier du PP, le parti populaire, pour corruption.
- Le Premier ministre a assuré deux jours avant le vote qu’il n’avait aucune intention de démissionner.
Après l’Italie, l’Espagne est-elle aussi à l’aube d’une période d’instabilité politique ? Vendredi, les 350 députés espagnols seront appelés à se prononcer en faveur ou contre une motion de censure visant l’actuel chef du gouvernement, Mariano Rajoy.
Déposé le 25 mai dernier par le parti socialiste, le PSOE, le projet de motion est âprement débattu. Loin d’être une première, cette initiative pourrait toutefois modifier le paysage politique espagnol.
- Pourquoi Mariano Rajoy fait l’objet d’une motion de censure ?
« L’élément déclencheur de la motion, c’est une décision de justice rendue le 24 mai dernier venue clore une très longue enquête pour corruption. Des cadres du PP, le parti populaire de Mariano Rajoy, ont été condamnés, dont l’ancien trésorier du parti ainsi que d’anciens ministres. Cette décision judiciaire n’est pas une simple condamnation individuelle, c’est tout le système de financement du parti qui a été mis en cause », détaille Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Espagne.
L’argument moral a été largement avancé pour justifier le dépôt de cette motion de censure. « Votre isolement, Monsieur Rajoy, constitue l’épitaphe d’une période politique, la vôtre, qui est déjà finie », a lancé le patron du parti socialiste (PSOE) Pedro Sanchez.
- Quelles sont les chances pour cette motion de censure d’aboutir ?
« L’issue est très incertaine. La motion est débattue en ce moment. Tout dépendra des négociations entre les partis, et notamment entre les grands partis nationaux et les partis nationalistes (…) car ils permettraient au parti détenant une majorité relative de détenir une majorité absolue », prévient Manuelle Peloille, professeure à l’université d’Angers, directrice de la revue Cahiers de civilisation espagnole contemporaine.
La position des cinq élus nationalistes basques (PNV) était particulièrement attendue. « Pour que la motion aboutisse, il faut la majorité plus un, soit 176 voix. A la différence des Catalans, les Basques ne sont pas indépendantistes et négocient avec tout le monde. Ils gouvernent avec les socialistes au Pays Basque et soutiennent le parti populaire (PP) à Madrid qui s’est engagé à un investissement de 500 millions d’euros pour la région », précise Jean-Jacques Kourliandsky.
Pour convaincre les cinq élus nationalistes de voter le projet de motion, le patron des socialistes, Pedro Sanchez s’est engagé à ne pas toucher à ces 500 millions en cas de départ de Rajoy et de sa nomination à la tête du gouvernement. Un argument visiblement efficace : les députés basques ont annoncé ce jeudi après-midi qu’ils soutiendraient l’initiative, portant ainsi les voix en faveur de la motion à 178 sur 350.
- Quelles peuvent être les conséquences politiques en cas de réussite ? En cas d’échec ?
Si le scénario d’un vote à la majorité en faveur de la motion de censure est confirmé vendredi, plusieurs hypothèses subsistent. « En cas de réussite, de nouvelles élections seront convoquées. Mais il n’est pas évident de savoir qui obtiendra la majorité et quelles coalitions sont susceptibles de se former. Il y a un risque de se retrouver comme voici quelques années, avec un pays sans gouvernement, dans un contexte de pression croissante de la Catalogne et de mécontentement social généralisé de toutes les catégories : salariés, retraités, services publics », analyse Manuelle Peloille.
Si Mariano Rajoy a fait savoir mercredi qu’il n’avait pas l’intention de démissionner, le contexte politique pourrait le pousser à revoir sa copie. « Mariano Rajoy, très affaibli, pourrait décider de démissionner avant même le vote prévu vendredi. Le leader des socialistes serait alors chargé de gérer les affaires courantes s’il n’obtient pas de majorité puis d’organiser de nouvelles élections fin juillet ou à la rentrée », poursuit Jean-Jacques Kourliandsky.
Enfin, si Mariano Rajoy n’est pas poussé vers la sortie faute de majorité à la motion de censure, son combat pour sa survie à la tête du gouvernement serait loin d’être terminé. Le parti de gauche Podemos a d’ores et déjà annoncé qu’il déposerait une nouvelle motion de censure en cas d’échec.