Italie: Quels sont les scénarios envisageables après la démission du Premier ministre Giuseppe Conte?
UNION EUROPEENNE•Le président italien Sergio Mattarella a choisi de barrer la route au gouvernement populiste en opposant son veto à la nomination d’un ministre eurosceptique…Hélène Sergent
L'essentiel
- Le président italien Sergio Mattarella a chargé lundi Carlo Cottarelli, un ancien du Fonds monétaire international (FMI) de former un gouvernement.
- Dimanche 27 mai, le Premier ministre Giuseppe Conte a jeté l’éponge à la suite du veto du président concernant la nomination d’un eurosceptique et germanophobe de 81 ans, exigé par la Ligue pour le ministère de l’Economie.
- Des élections anticipées pourraient avoir lieu à l’automne prochain.
Le gouvernement issu de la coalition entre la Ligue d’extrême droite et le populiste Mouvement 5 étoiles (M5S) gouvernera-t-il en Italie ? Rien n’est moins sûr pour l’heure. Dimanche 27 mai, le président de l’Italie Sergio Mattarella a choisi de barrer la route à cette formation sortie gagnante en mars aux dernières élections législatives. Le chef de l’Etat a opposé son veto à la nomination d’un eurosceptique au ministère de l’Economie, provoquant la démission du Premier ministre Giuseppe Conte. Quels sont les scénarios envisageables dans ce pays habitué aux crises politiques ? 20 Minutes fait le point.
- Un gouvernement de gestionnaires
Pour combler le vide à la tête de l’Etat, le président italien a décidé de nommer un ancien dirigeant du Fonds monétaire international comme Premier ministre. Cet homme, Carlo Cottarelli, est désormais chargé de former un nouveau gouvernement. Après la traditionnelle prestation de serment, Cottarelli doit, comme le précise la Constitution, demander la confiance au Parlement. Selon Marie-Anne Matard-Bonucci, docteure en Histoire et spécialiste de l’Italie à l’université de Paris-VIII, ce scénario a peu de chance d’aboutir.
« Si on fait le total des voix disponibles, il est peu probable qu’il obtienne la confiance. A l’évidence les élus du M5S vont voter contre, idem pour les députés de la Ligue de Salvini. Sur cette base-là, je ne vois pas comment Carlo Cottarelli peut trouver une majorité. Or, la confiance doit être votée par la Chambre pour que le gouvernement fonctionne, c’est une nécessité constitutionnelle », détaille l’historienne. Dans ce cas-là, de nouvelles élections législatives devraient se tenir « après le mois d’août » a fait savoir ce lundi le Premier ministre.
« Si je n’obtiens pas la confiance, le gouvernement démissionnera immédiatement et sa mission principale sera de gérer les affaires courantes et d’accompagner le pays vers des élections après le mois d’août », a-t-il ajouté.
- Le renforcement de la Ligue de Salvini
En s’opposant ouvertement au chef de file de la Ligue, Matteo Salvini, le Président italien a pris le risque de renforcer la position du leader d’extrême droite analyse Camille Bedock docteure en sciences politiques de l’Institut universitaire européen (IUE) de Florence. « Salvini en réalité est probablement très content de repartir aux élections. L’éviction d’un ministre eurosceptique et la nomination par le chef de l’Etat d’un ancien du FMI permettent de renforcer sa position auprès des électeurs. La Ligue est sur sa ligne eurosceptique assumée et a réussi à devenir la force principale à droite », juge la postdoctorante à l’Université Libre de Bruxelles.
Un scénario plausible confirme Marie-Anne Matard-Bonucci : « La crise actuelle ne sera pas sans conséquence pour les prochaines élections. Salvini tire les marrons du feu et ces dernières semaines ont donné une audience considérable à sa formation politique […] si Mattarella nomme un proeuropéen à l’Economie, on imagine aisément les conclusions que pourront tirer les Italiens : ce sont les marchés qui font la politique et le vote des citoyens est bafoué quand il s’agit de politique économique et européenne. »
- Vers une nouvelle crise ?
Dernière incertitude, la persistance de l’alliance entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue du Nord pour les prochaines élections anticipées. « Toutes les alliances présentées aux législatives de mars sont en train d’exploser. Comment reconduire une liste réunissant la Ligue, le M5S et le parti de Berlusconi alors que ce dernier vient de déclarer son soutien au Président Mattarella ? Et la survie de l’union entre le M5S et la Ligue n’est pas plus certaine, notamment par rapport à la position du Mouvement 5 Etoiles sur la sortie de l’Euro. Ce qui est sûr, c’est que la campagne va changer de nature et risque de se durcir », estime Camille Bedock.
Enfin cas de nouvelle victoire des populistes aux élections anticipées, la situation actuelle pourrait se répéter souligne la chercheuse en sciences politiques : « Il n’y a aujourd’hui aucune garanti d’une sortie de crise. L’Italie est dans un cercle vicieux et le mécanisme politique ne fonctionne plus ».