INTERVIEW«On estime que Daesh compte environ 10% de combattants Tchétchènes»

Attaque au couteau à Paris : « On estime que Daesh compte environ 10 % de combattants Tchétchènes »

INTERVIEWAmélie Myriam Chelly, docteure en sociologie, spécialiste des phénomènes de politisation de l'islam est revenue pour «20 Minutes» sur la forte présence de combattants Tchétchènes dans les rangs de Daesh…
Marie De Fournas

Marie De Fournas

L’attaque au couteau de samedi à Paris a été commise par un Français né en Tchétchénie. L’homme de 21 ans a grandi en France, son acte met un coup de projecteur sur la république musulmane russe du Caucase dont beaucoup de combattants de Daesh sont issus.

« On estime que le groupe Etat islamique compte environ 10 % de Tchétchènes », rapporte à 20 Minutes, Amélie Myriam Chelly, docteure en sociologie, spécialiste des phénomènes de politisation de l’islam. En effet, selon les services de sécurité russes, au moins 4.500 Russes se trouvaient en 2017 aux côtés des groupes djihadistes dans le monde et étaient en majorité originaires des républiques du Caucase.

Pourquoi les Tchétchènes sont-ils aussi nombreux dans les rangs de Daesh ?

Il existe une tradition djihadiste en Tchétchénie qui au départ était nationaliste. Il s’agissait d’un mouvement indépendantiste en conflit avec la Russie. Depuis la fin de la guerre de Tchétchénie, ces groupes ont peu à peu rejoint d’autres mouvements, dont Daesh. Ils étaient déjà nombreux à la base, c’est aussi, une des raisons simples pour laquelle on en retrouve beaucoup aujourd’hui !

Des combattants à part ?

Daesh recrute principalement les Occidentaux en leur promettant tout qu’ils n’ont jamais pu avoir dans la société actuelle. Pour les Tchétchènes et l’Asie en général, le groupe a un tout autre discours qui fonctionne très bien. Il insiste plutôt sur le fait que par leur mort, ils contribueront au salut de l’humanité.

Avec les deux guerres qu’ils ont vécues, les Tchétchènes sont des combattants qui ont moins peur de la mort et qui sont habitués à l’idée de dépossession. J’ai discuté avec un djihadiste syrien qui m’a assuré que les Tchétchènes et les Ouïghours étaient les plus déterminés à mourir en martyr. A tel point qu’ils mettaient même parfois en péril des opérations. Cela s’appelle la martyropathie : l’obsession de mourir en martyr est si forte que le fait de gagner contre l’adversaire ou de faire passer une idéologie devient secondaire.

Quel est le profil des combattants Tchétchènes ?

« Les Tchétchènes sont les inventeurs du djihadisme féminin. Les femmes sont investies dans le mouvement depuis toujours et encore maintenant.

Beaucoup de combattants Tchétchènes ont un haut grade dans la hiérarchie de Daesh. L’une des explications possibles, c’est qu’avec leur passé de djihadiste, certains ont déjà des compétences, en stratégie militaire par exemple, que Daesh veut garder. Ils ne sont donc pas mis en première ligne, mais haut placés.