INTERVIEWVIDEO. Justin Trudeau et Emmanuel Macron, une rencontre de «cool kids»?

VIDEO. Rencontre Trudeau-Macron: « Leur forme de séduction a servi leur arrivée au pouvoir mais ils sont confrontés à la dure réalité »

INTERVIEWLe Premier ministre canadien est en visite officielle en France ce lundi et jusqu’au 17 avril, nouvel épisode de la « bromance » des jeunes dirigeants proches mais critiqués…
Oihana Gabriel

Propos recueillis par Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Le Premier ministre canadien est arrivé à Paris pour deux jours de visite officielle.
  • L’occasion de renforcer le dialogue entre les deux jeunes dirigeants qui ne cachent pas leur bonne entente.
  • Physique de gendre idéal, carrière politique fulgurante, sens du storytelling hors pair, Justin Trudeau et Emmanuel Macron partagent beaucoup de choses… Sans forcément réussir à rester toujours cool.

L’un fait des câlins à une peluche licorne et caresse des pandas quand il ne déguise pas ses enfants pour Halloween… L’autre pose avec ses sept petits-enfants et sa femme plus âgée et perd rarement son sourire bright devant la caméra (même devant Edwy Plenel). Justin Trudeau et Emmanuel Macron, qui se rencontrent ce lundi à Paris, ont beaucoup en commun.

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L’âge d’abord, la quarantaine, soit un événement dans le monde politique mondial, certaines convictions économiques, écologiques, pour l’égalité hommes-femmes. Mais surtout une aptitude à mettre en scène leur vie, sur les réseaux comme dans les médias, une façon de se présenter comme les rois du cool… Une image déjà écornée. Le Premier ministre canadien est critiqué pour ses faux pas sur Twitter comme pour sa politique qui ne tient pas ses promesses. Tout comme Emmanuel Macron, menacé par des mouvements sociaux multiples. 20 Minutes a demandé à Charles Thibout, chercheur à l’IRIS en géopolitique et fin connaisseur de la politique canadienne de décrypter cette communication du cool.

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Justin Trudeau comme Emmanuel Macron surfent sur une image de jeunes qui veulent bousculer la politique, mais sont-ils vraiment des outsiders ?

Non. Justin Trudeau est le fils d’un grand premier ministre canadien, très connu, Pierre Trudeau. Il s’inscrit dans une filiation qui ressemble à une dynastie politique. Emmanuel Macron lui non plus n’est pas nouveau dans l’arène politique, puisqu’il a été conseiller, puis ministre de François Hollande. Ils ont cette image de jeunes arrivants sur la scène politique alors qu’ils sont dans les arcanes du pouvoir depuis plusieurs années.

La première rencontre en Emmanuel Macron et Justin Trudeau le 26 mai 2017 en Sicile.
La première rencontre en Emmanuel Macron et Justin Trudeau le 26 mai 2017 en Sicile. - BLONDET-POOL/SIPA

Macron et Trudeau incarnent-ils une nouvelle façon de faire de la politique ?

Ils incarnent physiquement une esthétique qui est en adéquation avec les représentations culturelles des sociétés occidentales contemporaines. Ce qui sert leur communication politique et tout le storytelling depuis leur élection. Cette forme de séduction a d’ailleurs servi leur arrivée au pouvoir. Mais ils sont quand même confrontés à la dure réalité du pouvoir.

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau est à Paris lundi 16 et mardi 17 avril 2018 pour préparer le G7 avec Emmanuel Macron.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau est à Paris lundi 16 et mardi 17 avril 2018 pour préparer le G7 avec Emmanuel Macron. - Sean Kilpatrick/AP/SIPA

Leur communication, leur rapport aux médias, sont-ils semblables ?

Ils diffèrent un peu. Tous deux ont verrouillé leur communication et se sont entourés de professionnels du media training, ce qui leur permet d’être très précis dans leurs annonces politiques. Justin Trudeau a fait face à des remous : certains critiquent sa volonté de contourner les médias traditionnels et de passer uniquement par les réseaux sociaux. Tandis qu’Emmanuel Macorn semble avoir changé de stratégie. Au début tout semblait sous contrôle : il a sélectionné certains médias, certains journalistes pendant les déplacements. C’est tout récent de le voir s’entretenir avec des journalistes peu consensuels, comme dimanche soir, ce qui tranche avec le début de son mandat. Il renoue avec cette pratique démocratique de l’interview sans concession.

Côté politique cette fois, est-ce qu’ils n’ont pas déjà déçu une partie de leur opinion ?

Cette stratégie de communication marche moyennement… Depuis plusieurs semaines, des mouvements sociaux de grande ampleur agitent la France. Ils touchent différentes professions mais toutes luttent contre la ligne politique que sous-tend ses réformes. Macron avait promis des réformes pour une plus grande protection des Français. Les citoyens ne voient pas ces promesses se concrétiser. Justin Trudeau est lui aussi confronté à une forte baisse de popularité dans les sondages, notamment parce qu’on lui reproche une communication politique qui n’est pas suivie d’effets. Il a déployé beaucoup de communication autour de ses convictions écologiques sur les réseaux sociaux, notamment pour défendre l’accord de Paris. Et pourtant il est en train de faire passer en force un projet d’oléoduc dans l’Alberta qui selon plusieurs politiques, les communautés autochtones et les ONG écologiques, serait une véritable catastrophe environnementale. Cette communication attirante peut dissimuler une action politique beaucoup moins consensuelle. Les citoyens de part et d’autre de l’Atlantique se rendent compte des contradictions entre la communication et les actes.

Autre sujet qui crispe en France, et qui va être discuté lors de la venue du Premier ministre canadien, le Ceta…

Le Ceta est mieux accepté au Canada qu’en France, même s’il y a quelques craintes chez les producteurs de fromage. C’est lié à une tradition politique différente : le Canada est un pays libéral depuis très longtemps, qui a toujours prôné une politique de libre-échange. Alors qu’en France, parce que le modèle de l’Etat providence est encore important, les citoyens sont beaucoup moins favorables à cette généralisation du libre-échange. Les deux pays voient leurs opinions publiques se crisper mais pas sur les mêmes sujets.

Emmanuel Macron reçoit Justin Trudeau lundi 17 avril 2018 à Paris.
Emmanuel Macron reçoit Justin Trudeau lundi 17 avril 2018 à Paris. - AFP

Ils sont souvent présentés comme les représentants politiques du cool, à juste titre ?

Pour Emmanuel Macron, le côté « cool » s’écarte finalement beaucoup avec les attaques menées en Syrie. Il y a quelque chose qui dénote entre l’image du jeune entrepreneur dynamique et plutôt pacifique, qui espère que les conflits se règlent par le commerce et l’image de chef de guerre déterminé à employer la force. Mais l’image de Macron en chef de guerre est le résultat de la tradition politique de la France où le président est le commandant en chef de l’armée. La fonction peut contraindre l’homme.

Du côté de Justin Trudeau, la contradiction est ailleurs. Le Canada a toujours eu une tradition humanitaire sur la politique extérieure. Ce qu’on reproche à Trudeau, c’est le désengagement humanitaire du Canada notamment en Afrique, dans la bande sahélienne. Les Canadiens voient avec une certaine fierté leur armée, considérée comme une armée de défense des opprimés et non offensive.

Enfin, sur le plan plus idéologique cette fois, Emmanuel Macron et Justin Trudeau donnent cette image de jeunes quadras dynamiques et agréables qui voudraient instaurer la paix dans le monde. Et en même temps ils défendent le néolibéralisme qui tend plutôt à exacerber les mécontentements, les conflits et appauvrir certaines populations. Le commerce généralisé profite à certains et pas à d’autres et cela crée des inimitiés, des jalousies et potentiellement des conflits. D’ailleurs ils s’opposent ainsi à Trump qui joue le protectionnisme en disant que le libre-échange a appauvri une partie des Américains.