WEBDonnées Facebook, profilage psychologique et campagne de Donald Trump

La campagne de Trump accusée d'avoir profité de données Facebook obtenues illégalement

WEBL'entreprise d'analyse de données Cambridge Analytica a été suspendue par le réseau, et le procureur Robert Mueller s'intéresse à elle...
Philippe Berry

P.B. avec AFP

Cambridge Analytica. Vous ne connaissez peut-être pas cette entreprise d’analyse de données qui a notamment travaillé pour la campagne présidentielle de Donald Trump. Des enquêtes explosives du New York Times et du Guardian accusent cette firme britannique d’avoir obtenu illégalement des données Facebook de millions d’utilisateurs pour mieux cibler et influencer des électeurs potentiels. Big data, « profils psychologiques » et liens avec la Russie, la toile devient une véritable nébuleuse.

« Cibler leurs démons intérieurs »

Tout a commencé en 2014 avec une application Facebook baptisée thisismydigitallife (C’est ma vie numérique). Aleksandr Kogan, un chercheur en psychologie à l’université de Cambridge, a convaincu 270.000 personnes de participer à un test de personnalité, lui donnant ainsi accès à leurs réponses mais aussi à leurs données Facebook (nom, géolocalisation, likes) et à celles de leurs amis, en profitant des réglages très permissifs par défaut du réseau. A partir de 270.000 participants, Kogan obtient les données Facebook de 50 millions de personnes, qui, à une immense majorité, n’étaient pas au courant et n’avaient jamais entendu parler de thisismydigitallife.

Rien d’illégal ici. Mais selon l’enquête du Times et du Guardian, Kogan a ensuite vendu ces données pour un million de dollars à Cambridge Analytica. Vendre ou partager des données avec un tiers est interdit par Facebook. Selon l’enquête, l’entreprise de Mark Zuckerberg était au courant depuis 2015 mais c’est seulement aujourd’hui qu’elle vient d’annoncer – sous la menace de la publication de l’enquête – qu’elle avait suspendu Cambridge Analytica.

« Nous nous sommes servis de Facebook pour récupérer les profils de millions de personnes. Nous avons ainsi construit des modèles pour exploiter ces connaissances, et cibler leurs démons intérieurs », a révélé au journal britannique l’ancien employé de Cambridge Analytica Christopher Wylie, qui s’expose à des poursuites en jouant les « whistleblowers ».

Un groupe pétrolier russe intéressé

Le New York Times avance que des copies des données obtenues par Cambridge Analytica existent toujours, et que certains journalistes ont même pu les consulter. Filiale américaine de la société britannique de marketing ciblé SCL, Cambridge Analytica, qui n’a pas de lien avec l’université britannique, est connue pour avoir fourni des solutions de collectes de données et de ciblage d’audience pour la campagne de Donald Trump mais également pour le groupe pro-Brexit Leave.eu.

Cambridge Analytica a été financé à hauteur de 15 millions de dollars par Robert Mercer, un homme d’affaires américain qui a fait fortune dans les hedge funds et qui est l’un des principaux donateurs du Parti républicain. Selon le Guardian, Steve Bannon, l’éminence grise de Donald Trump, a été un temps le vice-président de l’entreprise.

L’intrigue ne s’arrête pas là. Selon Christopher Wylie, après avoir mis au point son logiciel prédictif, Cambridge Analytica a été contacté par le groupe pétrolier russe proche du Kremlin Lukeoil, qui était intéressé par ses services. A ce stade, aucun élément ne montre qu’une relation commerciale s’est développée au-delà de cette prise de contacts. Mais on comprend mieux pourquoi le procureur Robert Mueller a, selon le Wall Street Journal, réquisitionné tous les emails et les données de Cambridge Analytica liés à la campagne de Donald Trump.