La nouvelle en a surpris plus d’un. La Corée du Sud a annoncé jeudi depuis la Maison Blanche que Kim Jong-un avait proposé à Donald Trump​ de le rencontrer. Le président américain a accepté, et la rencontre aura lieu « d’ici mai pour obtenir une dénucléarisation permanente » du régime, a indiqué le haut responsable sud-coréen Chung Eui-yong jeudi soir.

Ce sommet historique était encore impensable il y a quelques semaines, après deux années de très vives tensions entre Washington et Pyongyang liées aux programmes nucléaire et balistique nord-coréens. 20 Minutes a interrogé l’historienne Juliette Morillot, spécialiste de la péninsule et auteur de Le monde selon Kim Jong-un, Guerre ou paix ? (Éditions Robert Laffont)

L’été dernier, Donald Trump promettait « le feu et la colère » à la Corée du Nord. Cette annonce est-elle un revirement ?

Ce n’est pas un revirement. C’est dans la logique parfaite de la politique de la Corée du Nord, une politique rationnelle. Pyongyang a toujours souhaité un dialogue bilatéral direct avec Washington. Dans le cadre de son idéologie, elle veut diplomatiquement dialoguer d’égale à égale avec les grandes puissances.

Après une année d’essais nucléaires et de lancements de missiles balistiques, Kim Jong-un a montré à son peuple qu’il pouvait défendre son pays contre l’impérialisme américain. Vis-à-vis de la communauté internationale, il a montré qu’il était en position de force en détenant l’arme nucléaire.

Comment expliquer cette évolution ?

Il est évident que les sanctions économiques ont joué​. Et personne ne veut de conflits dans cette région du monde. Il faut noter que l’entourage de Donald Trump est plus posé que le président, qui peut se montrer assez intempestif dans ses réactions. Il a posé des lignes rouges en permanence qui ont été franchies…

De facto, la Corée du nord possède l’arme nucléaire. On peut chipoter pour savoir si celle-ci peut ou non atteindre la côte américaine, mais dans ce jeu de poker menteur, Kim-Jong un a les cartes en mains. Il a fait ce que Trump avait demandé, « dialoguer avec des garanties », en envisageant une dénucléarisation. On se retrouve un peu dans la situation de 1994, sous l’administration Clinton. On était proche d’un conflit nucléaire et l’ancien président Jimmy Carter était allé en Corée du Nord rencontrer l’ancien président Kim Il-sung. La seule solution est le dialogue. A ce niveau, l’étape des Jeux Olympiques a été très importante. Le président sud-coréen Moon Jae-in a très finement joué, c’est d’ailleurs lui qui a transmis le message nord-coréen à Trump.

Est-ce une victoire diplomatique pour Donald Trump ?

Il est très intéressant que Donald Trump ait accepté ce dialogue, qui s’avère pour le coup utile aux deux chefs d’Etat. Kim Jong-un a montré qu’il pouvait défendre son pays face aux Etats-Unis. La rencontre pourrait aussi être un succès pour Donald Trump, car contrairement à Barack Obama, il pourrait être le président qui a su dénouer la situation.

Comment va se passer la rencontre ?

La rencontre ne se fera ni à Washington ni à Pyongyang, mais plutôt sur terrain neutre, sinon le succès médiatique serait trop fort pour l’un ou l’autre des pays. La feuille de route s’annonce complexe. La Corée du Nord a toujours été assez sincère en demandant un pacte de non-agression des Etats-Unis. Mais les Américains veulent des garanties supplémentaires car ils ont près de 30.000 hommes en Corée du Sud et n’ont pas envie de partir face à la montée en puissance de la Chine. Quelles seront les garanties ?

Les Etats-Unis ont déjà annoncé qu’ils ne lèveraient pas les sanctions économiques. Ils vont probablement demander une transparence totale sur le programme de démantèlement, il y aura des inspections. Si toutes les garanties sont obtenues, la dénucléarisation est possible car Pyongyang veut avant tout la survie de son régime qui passe par l’assouplissement des sanctions.