De notre correspondant au Japon,

Une tête humaine dans la valise d’un touriste américain, un corps apparemment découpé dans un appartement de location, et des déplacements en train dans toute la région du Kansai (ouest du Japon) pour y dissimuler les membres de la victime. L’affaire, sordide, semble tout droit sortie d’un roman policier de Natsuo Kirino ou de Seicho Matsumoto. La police japonaise, qui a arrêté un suspect, tente à présent de reconstituer la chronologie de ce fait divers bien réel.

Tout commence le 15 février, lorsqu’une jeune Japonaise de 27 ans quitte son travail, non loin de Kobe. Elle explique à une connaissance qu’elle se rend à Osaka, à une grosse heure de train, pour y retrouver un certain « Jay », un homme étranger rencontré via une application de rencontres pour smartphone.

Deux jours plus tard, la mère de la victime, prévenue par son employeur que celle-ci n’est pas venue travailler, s’inquiète et prévient la police. Le 22, un homme est interpellé, identifié dans les médias japonais comme Yevgeniy Vasilievich Bayraktar, un Américain de 26 ans. Il est soupçonné de séquestrer la jeune femme. Dans un studio qu’il louait pour une courte durée à Osaka, les enquêteurs font une macabre découverte : une valise contenant la tête d’une femme.

L’homme filmé à plusieurs reprises portant « un gros sac »

Niant d’abord avoir séquestré la jeune femme, le suspect finit par avouer s’être débarrassé de son corps. Le 25 février, il conduit les policiers dans des endroits boisés et montagneux distants de plusieurs dizaines de kilomètres, où les enquêteurs retrouvent d’abord un torse vers 18h, puis deux bras, « disposés côte à côte et recouverts de terre » une heure plus tard, et enfin, deux jambes sur les coups de 22 h 30.

L’analyse ADN a confirmé que les membres retrouvés appartiennent bien à la jeune femme disparue, selon la police, citée par le journal local Kobe Shimbun. Ils semblent avoir été séparés du corps au moyen d’une lame et ne portent pas de trace de blessure hormis les endroits où ils ont été sectionnés.

Cette carte du « Yomiuri Shimbun » montre les endroits où ont été retrouvées les différentes parties du corps (en blanc sur fond noir)

Analysées par la police, les images de vidéosurveillance datées de la nuit de la disparition montrent un homme et une femme ressemblant au suspect et à la victime entrer dans un autre appartement également loué par le suspect à Osaka, à 5 km de celui où la tête sera retrouvée. Les bandes montrent l’homme réaliser plusieurs allées et venues dans les jours suivants, portant « un gros sac ». Les policiers le soupçonnent d’avoir transporté les membres en train, car il a également été filmé par les caméras de la gare voisine avec le sac. Le 18 février, l’homme quitte le studio pour la dernière fois. La femme ne reparaît pas sur les enregistrements.

Le suspect a ramené « quatre ou cinq femmes » dans l’appartement

Selon le quotidien Asahi, ce studio de 15 m² avec toilettes et salle de bains était loué sur internet sans autorisation de la municipalité. Il était possible d’y séjourner pour 1.500 yens (11,5 euros) la nuit en donnant simplement un nom et un numéro de passeport. Les images de vidéosurveillance montrent qu’avant la victime, l’homme y est venu successivement avec « quatre ou cinq femmes », selon des sources policières citées par le journal. Elles auraient toutes été retrouvées en bonne santé.

Dans l’appartement, où a été utilisée « une forte quantité de désodorisant », les enquêteurs retrouvent un morceau du permis de conduire de la victime, et des examens plus poussés révèlent des traces de sang.

Dans l’appartement où a été découverte la tête humaine, les enquêteurs ont également retrouvé l’ordinateur du suspect. Ils espèrent y découvrir des indices permettant d’établir les déplacements de l’homme, arrivé au Japon en janvier avec un visa de tourisme de 90 jours. Ses parents, interviewés par la télévision japonaise, se sont dits persuadés qu’il « ne commettrait jamais un meurtre », qu’il adorait le Japon et qu’il voulait « épouser une femme japonaise ».