Chine: Comment Xi Jinping pourrait bientôt rester président à vie
CHINE•Le Parti communiste chinois appelle à supprimer la limite de deux mandats consécutifs...M.C. avec AFP
L'essentiel
- Le comité central du Parti communiste chinois a proposé d’effacer de la constitution la limite de deux mandats consécutifs.
- Xi Jinping souhaiterait rester au pouvoir jusqu’en 2033.
- Le dirigeant chinois « se poutinise, en moins démocratique », notent des spécialistes du pays.
Le plus puissant dirigeant chinois depuis un quart de siècle est en passe de se transformer en « empereur rouge ». Omniprésent dans les médias et objet d’une intense propagande, Xi Jinping, 64 ans, pourrait bientôt rester président de la République populaire aussi longtemps qu’il lui plaira, à la faveur d’un changement constitutionnel supprimant la limite de deux mandats présidentiels.
Le comité central du Parti communiste chinois, sorte de parlement du PCC, a proposé d’effacer de la constitution la mention stipulant qu’un président « ne peut pas exercer plus de deux mandats consécutifs » de cinq ans, a annoncé l’agence Chine nouvelle. Xi Jinping, président de la République populaire depuis 2013, doit normalement quitter ses fonctions en 2023.
« Il souhaite rester au pouvoir jusqu’en 2033 »
« Je pense qu’il va devenir empereur à vie et le Mao Tsé-toung du XXIe siècle », commente le politologue Willy Lam, depuis l’Université chinoise de Hong Kong, en référence au tout-puissant fondateur du régime communiste (1949). Les investisseurs chinois, réputés superstitieux, se sont d’ailleurs rués lundi pour acheter sur les Bourses locales les actions d’entreprises comprenant les mots « impérial » ou « empereur » dans leur nom.
« Si sa santé le lui permet, il souhaite rester au pouvoir 20 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2032 en tant que secrétaire général du Parti et 2033 en tant que président de l’Etat », ajoute Willy Lam, citant des sources proches du pouvoir à Pékin. Xi Jinping aura alors 80 ans.
Le PCC a également proposé d’inclure « la Pensée Xi Jinping » dans la constitution du pays, a rapporté Chine nouvelle. Ces dispositions seront soumises aux parlementaires chinois lors de la session annuelle plénière de l’Assemblée nationale populaire (ANP), qui s’ouvre le 5 mars.
Xi Jinping « se poutinise, en moins démocratique »
En cherchant à se maintenir indéfiniment au pouvoir, Xi Jinping « se poutinise, en moins démocratique » que le président russe Vladimir Poutine, observe le sinologue Jean-Pierre Cabestan, depuis l’Université baptiste de Hong Kong.
Après avoir placé depuis cinq ans des hommes à lui aux échelons les plus élevés du pouvoir, il devrait obtenir, selon Pierre Cabestan, le poste de président de l’ANP pour un très proche, Li Zhanshu, son « éminence grise » devenu l’an dernier numéro trois du régime, après le Premier ministre Li Keqiang. « Il s’assure ainsi que la réforme constitutionnelle sera adoptée sans coup férir », prévoit le sinologue, notant l’existence d’une opposition interne au régime.
« Il n’y a pas de contre-pouvoirs. C’est très dangereux »
Depuis son arrivée à la tête du Parti fin 2012, Xi Jinping a concentré les pouvoirs sur sa personne comme aucun dirigeant chinois ne l’avait fait depuis au moins un quart de siècle. Il a engagé une lutte contre la corruption qui a vu plus d’un million de cadres sanctionnés -- mais d’aucuns y voient avant tout un moyen pour le président de se débarrasser de toute opposition interne.
Son pouvoir s’est accompagné d’un retour du quasi-culte de la personnalité autour du président, omniprésent dans les médias, et d’un renforcement de la répression visant la presse, les défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme. « Nous assistons au retour de l’ère Mao Tsé-toung, lorsqu’une seule personne décidait pour des centaines de millions », commente Willy Lam. « Il n’y a pas de contre-pouvoirs. C’est très dangereux car Xi Jinping risque de commettre des erreurs parce que personne n’osera s’opposer à lui. »
Les Etats-Unis ont estimé lundi que le maintien au pouvoir du président chinois relevait de la politique intérieure de Pékin. « Je pense que c’est une décision qui appartient à la Chine », a déclaré Sarah Sanders, porte-parole de l’exécutif américain. « Le président (Trump) a parlé de limite des mandats, c’est une chose à laquelle il est favorable aux Etats-Unis, mais cette décision appartient à la Chine », a-t-elle ajouté, dans une brève et prudente réaction.