IRANLes Moudjahidin du peuple iranien sont-ils des gourous ou des résistants ?

Qui sont les Moudjahidin du peuple qui luttent contre le régime iranien depuis Auvers-sur-Oise ?

IRANMenacé par un soulèvement populaire, le régime iranien a demandé à Emmanuel Macron de prendre des mesures contre les activités de « ce groupe terroriste »…
Vincent Vantighem

V.V.

L'essentiel

  • Depuis décembre, les Iraniens manifestent pour protester contre leur gouvernement.
  • Ils sont soutenus par les Moudjahidin du peuple installés à Auvers-sur-Oise.
  • Controversés, ils prétendent incarner la résistance iranienne.
  • Le président iranien a demandé à Emmanuel Macron de prendre des mesures à leur encontre.

Pas un jour ne passe sans qu’Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution en Iran, ne maudisse les Moudjahidin du peuple. Depuis qu’ils ont placé, en 1981, une bombe dans un magnétophone qui a explosé et a fait perdre, à l’ayatollah, l’usage de son bras droit devant des dizaines de journalistes réunis alors qu’il donnait une conférence de presse.

Plus de 35 ans après, les Moudjahidin du peuple n’ont pas abandonné leur combat contre le régime des mollahs. Exilés et désormais installés à Auvers-sur-Oise (Val d’Oise) sous la forme du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), ils se présentent, aujourd’hui, comme le fer de lance du mouvement de contestation qui a enflammé l’Iran depuis fin décembre. A tel point qu’Hassan Rohani, l’actuel président iranien, a demandé, le 02 janvier, à Emmanuel Macron de prendre des mesures à leur encontre.

20 Minutes lève le voile sur ce mouvement qui a prévu deux nouveaux rassemblements à Paris, ce mercredi, et vendredi afin de réclamer la chute du régime actuel.

  • Une jeunesse marxiste, une adolescence avec Saddam Hussein

Dans les années 1960, les Moudjahidin du peuple se créent pour protester contre l’occupation américaine en Iran et réclamer la chute du Shah. Ils participent à la révolution en 1979 mais poursuivent ensuite la lutte armée en commettant différents attentats contre les dignitaires religieux.

En 1988, leur leader, Massoud Radjavi s’installe en Irak où il noue une alliance avec Saddam Hussein. « Il dispose alors d’une petite armée qu’il envoie sur Téhéran mais il se fait littéralement écraser par les forces iraniennes », explique François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran entre 2001 et 2005.

Pourchassés sur le sol iranien, les Moudjahidin du peuple s’exilent. Une partie d’entre eux obtiennent l’asile en France et s’installent à Auvers-sur-Oise pour poursuivre la lutte. En 2012, « sous l’effet d’un intense lobbying », selon François Nicoullaud, ils quittent la liste des groupes terroristes émise par les Etats-Unis.

  • Quelle influence ont-ils encore sur le peuple iranien ?

Contacté par 20 Minutes, Afchine Alavi, porte-parole des Moudjahidin, assure qu’il lui est « impossible » de donner « des chiffres précis » du nombre d’adhérents et de sympathisants à leur cause. « Mais si nous étions vraiment marginaux dans le débat, Rohani ne parlerait pas de nous, précise-t-il. Cela montre bien son inquiétude et l’engouement de la jeunesse iranienne à nos idées. »

Professeure de sociologie à l’université Paris VII, Azadeh Kian, née à Ispahan, dément cette idée. « Ils n’ont quasiment plus d’influence en Iran. La plupart des gens estiment qu’ils mettraient en place un régime encore plus dictatorial et sanglant que celui des mollahs s’ils parvenaient à prendre le pouvoir. »

Mais ils disposent encore de soutiens sur place. Suffisamment pour avoir réussi à installer, le 3 janvier, une banderole à l’effigie de leur leader sur un pont surplombant l’une des autoroutes menant à Téhéran.

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  • Massoud ou Maryam Radjavi ? Qui dirige le mouvement ?

Très présente sur les réseaux sociaux et souvent affublé d’un voile aussi bleu que ses yeux perçants, Maryam Radjavi dirige actuellement le mouvement de contestation. Massoud, son époux, n’a plus été vu depuis des années. « Beaucoup pensent qu’il est mort et que le mouvement essaye de le cacher », indique François Nicoullaud.

Maryam Radjavi lors d'une cérémonie en hommage aux «martyrs», en 2013, à Auvers-sur-Oise.
Maryam Radjavi lors d'une cérémonie en hommage aux «martyrs», en 2013, à Auvers-sur-Oise. - KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Interrogé à ce propos, Afchine Alavi rigole avant de répondre. « Massoud n’est pas mort ! Mais on cherche perpétuellement à l’assassiner. C’est la raison pour laquelle on le protège désormais… »

  • Des soupçons de dérives sectaires ?

Gourou ou résistante : qui est vraiment Maryam Radjavi. Des soupçons de dérives sectaires pèsent sur son mouvement depuis plusieurs années. « Elle se livre à un vrai culte de la personnalité, décrit François Nicoullaud. Certaines femmes se sont aussi plaintes d’avoir été abusées sexuellement… »

Des « ragots », selon Afchine Alavi qui assure que ces accusations ont été « fabriquées par le ministère des renseignements du régime des mollahs pour discréditer le mouvement ».

Seule certitude, trois adhérents du mouvement n’ont pas hésité, en 2003, à s’immoler par le feu, en pleine rue à Paris, pour demander la libération de Maryam Radjavi alors que celle-ci venait d’être placée en garde à vue.

  • Un trésor de guerre irakien ou un financement saoudien ?

La dernière interrogation concerne les sources de financement des Moudjahidin du peuple qui organisent chaque année de coûteux meetings. « Seule la population nous soutient », indique encore Afchine Alavi.

Mais de nombreux observateurs mettent en avant la possibilité que ce mouvement se soit constitué « un trésor de guerre » lors de l’alliance avec Saddam Hussein ou encore qu’il soit actuellement discrètement financé par l’Arabie saoudite. Sur ce point-là encore, Afchine Alavi sort la même réponse : « Ce ne sont que des ragots ! »