INTERVIEWVIDEO. «Donald Trump est avant tout un opportuniste», selon sa biographe

VIDEO. Trump, un an après: «Donald Trump est avant tout un opportuniste»

INTERVIEWPour l'anniversaire de sa victoire du 8 novembre 2016 face à Hillary Clinton, sa biographe Gwenda Blair décrypte ses succès...
Philippe Berry

Propos recueillis par Philippe Berry

Qu’est-ce qui fait courir Donald Trump ? Ruiné à la fin des années 1990, le magnat de l’immobilier et de la télévision a réussi un improbable come-back qui l’a amené sur le toit du monde : à la Maison Blanche. Après avoir terrassé Hillary Clinton à la surprise quasi générale il y a un an, il connaît un début de présidence marqué par des échecs législatifs et empoisonné par l’affaire russe. Mais malgré un pays plus divisé que jamais et une cote de popularité historiquement basse, rien ne semble pouvoir faire vaciller son estime de soi forgée « par l’arme de la pensée positive », explique sa biographe Gwenda Blair, professeure de journalisme à l’université Columbia et auteure de l’ouvrage officiel Les Trump : Trois générations de bâtisseurs et un président. Plongée dans la psyché trumpienne.

Quelle note se décernerait Donald Trump pour un bilan au final assez maigre ?

Un an ou une minute après, il se décernerait la même note : 20/20. Une présidence extraordinaire. La meilleure que l'on n’ait jamais vue. C’est ainsi qu’il a fait de son nom une marque synonyme de luxe, de succès et d’excellence. Donald Trump se vend à chaque instant comme le meilleur produit.

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Ne prend-il jamais de recul en privé face à la réalité ?

Non, c’est la force de l’autopersuasion. En grandissant, il a été très influencé par son père, qui l’a élevé pour être un « killer », et par le pouvoir de la « pensée positive » prêchée par le pasteur Norman Peale, qui a officié à son premier mariage. L’idée centrale, c’est que si vous créez dans votre esprit une vision de succès, que vous ne pensez jamais à l’échec, le succès viendra. Trump en a fait une arme et a poussé le concept plus loin : ceux qui s’opposent à lui doivent être détruits, comme les médias, Hillary Clinton ou [l’ex-directeur du FBI] James Comey.

Comment perçoit-il cette de popularité historiquement basse à ce stade, à moins de 40 % ?

Il remet en cause la fiabilité de ces mêmes sondages qui le donnaient perdant il y a un an.

Et la menace de l’enquête sur la Russie ?

Il applique la même stratégie avec la presse ou laRussie : décrédibiliser les médias et le procureur spécial Robert Mueller. Quand vous ne pouvez pas attaquer le message, visez le messager.

Comment réagit-il en cas d’échec incontestable, comme sur Obamacare ?

C’est très simple. Il est à l’origine de tout succès mais tout échec est de la faute de quelqu’un d’autre, ici du Congrès.

Il ne se remet jamais en question, même lors de ses multiples faillites ?

Non. Donald Trump a compris qu’il pouvait devenir milliardaire en empruntant et en laissant les autres éponger ses pertes. Dans l’immobilier, il a fait de son nom une marque « too big to fail » (« trop grosse pour faire faillite ») : les banques ont considéré que ses casinos valaient plus avec son nom que sans.

Comment a-t-il aussi bien réussi son virage politique ?

Il a su vendre ce qu’une partie du peuple avait envie d’acheter. Il dit à ses électeurs : « Vous êtes en colère. Vos griefs sont justifiés. La mondialisation et le multiculturalisme vous ont fait du tort. Tout va mal et je suis le seul capable d’y remédier, de restaurer la grandeur de l’Amérique. » Il s’est attaqué au politiquement correct et a trouvé en Twitter une arme de communication de tous les instants.

Il franchit souvent la ligne jaune sur les questions raciales. Est-ce par conviction ou par intérêt ?

On me demande souvent si je pense que Trump est raciste. La réponse est [pause]… oui. Mais ce n’est pas ce qui le définit. C’est avant tout un opportuniste. Il est capable d’être pour ou contre n’importe quoi, tant que ça lui profite. Il est volontairement flou dans ses positions et en change souvent. C’est difficile d’attaquer un adversaire imprévisible.

Il a viré une dizaine de personnes en un an. Gère-t-il la Maison Blanche comme le jeu « The Apprentice » ?

C’est ainsi qu’il a toujours fonctionné avec son entreprise. Il encourage la concurrence et les coups de poignard dans le dos. Il n’y a aucune loyauté à l’intérieur de son équipe, sauf envers lui, principalement par peur. Donald Trump est à l’aise dans ce chaos, il aime être seul à la barre. C’est pareil à l’international : il n’y a pas de place pour le multilatéralisme. C’est « America First ».

Le chaos peut être dangereux, notamment avec la Corée du Nord. Le réalise-t-il ?

Oui et non. La plupart des personnes n’aiment pas le conflit. Donald Trump a compris qu’être un caïd fonctionne car il n’a jamais rencontré quelqu’un qu’il n’ait pas réussi à intimider.Il est persuadé qu’il arrivera à forcer la main de Kim Jong-un, arme nucléaire ou pas.