INTERVIEWCrise en Catalogne: «Juridiquement, l'UE n'a aucune obligation»

Appel de Puigdemont à Bruxelles: «Juridiquement, l'UE n'a aucune obligation»

INTERVIEWLe président catalan destitué Carles Puigdemont a appelé « la communauté internationale, et en particulier l’Europe, à réagir », accusant le gouvernement de Mariano Rajoy de miner les « valeurs » de l’UE…
Nicolas Raffin

Propos recueillis par Nicolas Raffin

«L’appel de Bruxelles » a-t-il une chance d’aboutir ? Le président déchu de la région catalane, Carles Puigdemont, a tenu ce mardi une conférence de presse dans la capitale belge, qui est également « le coeur institutionnel de l’Europe », selon ses propres termes.

Le leader indépendantiste laisse ainsi entendre à l’UE qu’elle doit jouer un rôle dans la crise politique en Espagne. Mais pour Florence Chaltiel-Terral, professeure de droit public à l’université de Grenoble, une telle issue reste peu probable.

L’UE est-elle obligée de réagir après cette allocution de Carles Puigdemont ?

Juridiquement, l’UE n’a aucune obligation. Elle n’a pas à se mêler de l’organisation interne des Etats. Les décisions prises par le Premier ministre espagnol [Mariano Rajoy] sont légales parce qu’elles sont inscrites dans la Constitution. De plus, la Cour constitutionnelle espagnole a jugé ce mardi que la déclaration d’indépendance de la Catalogne était illégale.

Toutefois, le droit ne fait pas tout. Si Carles Puigdemont s’est rendu à Bruxelles, c’est pour prendre l’UE à témoin, parce que l’Union européenne véhicule une série de valeurs, au premier rang desquelles la démocratie. Mais celle-ci s’inscrit dans un cadre juridique donné, comme une Constitution.

Une médiation est-elle envisageable pour résoudre la crise ?

S’il s’agit de pacifier les relations entre la Catalogne et le gouvernement central, pourquoi pas, mais c’est une décision très politique. Et pour l’instant, l’UE est restée sur ses gardes, tout comme les chefs d’Etat qui se disent tous solidaires du gouvernerment espagnol. Si on ouvre la porte à la demande de Carles Puigdemont, on ouvre la boîte de Pandore puisque d’autres régions comme la Corse pourraient réclamer le même traitement.

Les Catalans peuvent-ils faire valoir le principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ?

C’est un principe inscrit dans les textes internationaux, qui possèdent une valeur juridique. Mais quand on regarde l’histoire de cette notion, on voit que ce droit a été reconnu pour des peuples opprimés, et je ne crois pas que les Catalans ou la Catalogne soient un peuple opprimé. Ce concept du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est à manier avcec précaution.