Qui va décider de l'éventuel «impeachment» de Donald Trump?
ETATS-UNIS•Le président américain est sous la menace d'une destitution, mais le dernier mot reviendra à sa majorité républicaine...Dorian Debals
L'essentiel
- Donald Trump est critiqué pour avoir limogé le patron du FBI, dévoilé des informations confidentielles au chef de la diplomatie russe et avoir tenté de mettre fin à une enquête fédérale
- Aucune procédure de destitution n'est jamais arrivée à son terme
- Le sort du président est entre les mains de la majorité républicaine à la Chambre des Représentants et au Sénat
Donald Trump, élu 45e président des Etats-Unis en 2016, n’en est pas à sa première gaffe. Mais les dernières en date risquent de lui couter plus cher que la simple réprobation de ses concitoyens, lui dont l’indice de popularité est autour de 40 %, le plus bas jamais enregistré par l’institut de sondages Gallup.
Il est doublement mis en cause par la presse américaine et notamment par le quotidien de New York que le milliardaire surnomme le « failing » New York Times. Avec comme éternel poil à grater : la Russie. Donald Trump a récemment « partagé » des informations classifiées sur une source américaine en Syrie avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Il est également sous le coup d’une enquête du FBI sur les liens supposés de son équipe de campagne avec le Kremlin et a décidé le 10 mai de se séparer de James Comey le directeur du FBI chargé des investigations.
On lui reproche de vouloir nommer à sa place un dirigeant à sa botte et d’avoir demandé à ce que l’enquête soit stoppée. Une possible obstruction à la justice, un crime passible de destitution pour un président américain.
Une bataille plus politique que judiciaire
Mais cette procédure d'« impeachment » est rare. Elle n’a été déclenchée que trois fois (Johnson, Nixon, Clinton) à l’encontre d’un locataire du 1600 Pennsylvania Avenue. Pour ne jamais aboutir : le Sénat a par deux fois bloqué l’initiative et Richard Nixon a démissionné avant celle-ci, une première en 228 ans.
La procédure débute par une mise en accusation votée comme une loi ordinaire, à la majorité simple de la Chambre des Représentants. Elle n’a pas d’autre conséquence que d’ouvrir le procès devant le Sénat. Lui seul peut voter la décision de culpabilité, à la majorité des deux tiers.
Le futur de Trump est donc entre les mains des Républicains, qui sont majoritaires à la fois à la Chambre (274 sièges sur 435) et au Sénat (51 sièges sur 100).
Chris Edelson, professeur de sciences politiques à l’American University de Washington et expert des questions de gouvernement, « n’a jamais vu pareille affaire aux Etats-Unis. On pourrait la comparer avec le "watergate" de Nixon, mais je pense qu’avec Trump c’est plus sérieux. En partie à cause de son partage d’informations classifiées avec les Russes, une puissance rivale. » Donald Trump est pris à son propre jeu. Sa manie de virer n’importe qui sans en mesurer les conséquences comme dans un épisode de The Apprentice risque donc de se retourner contre lui.
L’opposition démocrate est en tout cas déjà vent debout. Leur chef au Sénat Chuck Schummer a délivré un puissant message à ses collègues aujourd’hui : « l’histoire nous regarde. »
Le représentant Al Green a lui lancé un appel aux Américains : « il est venu le temps d’agir, de nous dire ce que vous pensez. Le peuple américain doit se montrer, se tenir debout, peser de tout son poids afin que nous sachions ce qu’il veut. »
« Pour le moment, les Républicains n’ont aujourd’hui pas intérêt à le destituer, puisque cette épée de Damoclès au-dessus de la tête de Trump leur donne les moyens de le contrôler. Mais le jour où ils décideront de le lâcher, c’est une autre histoire », analyse Jean-Eric Branaa, spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II.
Mais ce ne sera pas pour autant la fin du règne du « Grand Old Party » à la Maison Blanche. Car contrairement à la Constitution française par exemple, les textes américains ne prévoient pas de nouvelles élections en cas de destitution du président. C’est ainsi Mike Pence, le vice-président à la parole plus lisse mais à l’idéologie tout aussi radicale qui prendrait la place du magnat de l’immobilier. Les Américains gagneront-ils au change ? Pas sûr.