INTERVIEWAttentat à Londres: «La menace terroriste très élevée en Grande-Bretagne»

Attentat à Londres: «La Grande-Bretagne vit sous une menace terroriste très élevée»

INTERVIEWAlain Rodier, directeur auprès du chef du Centre Français de Recherche sur le renseignement (CF2R), explique pourquoi le pays reste une cible pour les terroristes…
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

Pourquoi Londres ? Pourquoi maintenant ? Les questions fusent après l’attaque ce mercredi devant le parlement de Westminster à Londres où un homme a lancé sa voiture sur la foule devant le Parlement avant de poignarder un policier. Un drame qui a pour l’heure, coûté la vie à quatre personnes dont l’assaillant et fait plusieurs blessés graves. Cette attaque a été qualifiée de « terroriste » par la police britannique, mais elle n’a pas été encore revendiquée. Alain Rodier, directeur auprès du chef du Centre Français de Recherche sur le renseignement (CF2R) revient sur la menace terroriste qui pesait ces derniers temps sur la Grande-Bretagne.

Une attaque près du Parlement britannique, le lieu est forcément symbolique…

Oui ce monument est un symbole de la démocratie. Or, les dijahistes (même si on ne sait pas encore avec certitude s’ils sont les auteurs de cette attaque) l’ont en horreur. Frapper cet endroit, c’est marquer à vie l’esprit des Anglais.

Et la date du 22 mars, alors que l’on commémorait ce mercredi les attentats de Bruxelles ne semble pas avoir été choisie au hasard…

Oui, les terroristes frappent parfois aux dates anniversaires d’autres attentats. Cette fois-ci, c’est leur manière de rappeler aux Européens qu’ils ne sont pas tranquilles, même si des réseaux terroristes belges et français sont tombés l’an dernier. D’autres arrivent à naître et à recréer une logistique pour passer à l’action.

Quel est l’état de la menace terroriste en Grande-Bretagne actuellement ?

La Grande-Bretagne vit sous une menace terroriste très élevée, comme beaucoup de ses voisins européens. La Grande-Bretagne est confrontée à une triple menace. Celle des revenants de Syrie et d’Irak qui peuvent mener des actions commanditées. Celle des djihadistes qui sont déjà rentrés depuis un ou deux ans en Europe et qui ont recréé un réseau terroriste, en attendant de passer à l’action via des attaques coordonnées. Et enfin celle de personnes qui n’ont aucun contact direct avec Daesh ou Al-Qaïda et qui décident de passer à l’initiative en commettant un attentat.

Les services secrets britanniques sont-ils particulièrement sur les dents en ce moment ?

Oui, ils ont multiplié les déclarations alarmistes ces derniers temps. Scotland Yard a annoncé début mars que les services de sécurité britanniques avaient déjoué treize tentatives d’attentat terroriste depuis juin 2013. Le niveau d’alerte terroriste en Grande-Bretagne est fixé depuis août 2014 à « grave », le quatrième sur une échelle de 5. D’ailleurs, à la suite des attentats de novembre 2015 en France, la police avait annoncé le déploiement de 600 policiers armés supplémentaires à Londres, portant leur nombre à 2.800. Enfin ce mardi, la Grande-Bretagne a interdit les ordinateurs portables et les tablettes en cabine à partir de samedi, sur les vols en provenance de cinq pays arabes et de Turquie. Et ce parce que le pays craint que ces appareils ne contiennent un explosif, comme ce fut le cas pour le vol 3159 Daallo Airlines en février 2016. Seul le terroriste était mort car l’avion était en phase de montée, encore à une altitude assez faible et le pilote avait réussi à poser l’avion.

Pourquoi ce pays est-il particulièrement ciblé par les terroristes ?

D’une part, la Grande-Bretagne est en pointe dans la coalition internationale contre Daesh. D’autre part, elle est considérée par les djihadistes comme une terre de mécréants et l’aspect cosmopolite de Londres en fait une cible privilégiée. Car l’objectif des terroristes est de monter les communautés les unes contre les autres. Ils espèrent que des Britanniques vont mener des actions anti-islam qui pourraient précipiter certains musulmans dans leurs rangs.