Avions: Pourquoi interdire les ordinateurs et tablettes (et pas les portables) en cabine?
SECURITE•Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne obligent les passagers de certains pays arabes à mettre leurs appareils électroniques en soute…Oihana Gabriel
Douze heures de vol sans ordinateur… ou console de jeux pour les enfants. A partir de samedi, les voyageurs à destination des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne et en provenance de certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient ne pourront plus garder avec eux tablettes et ordinateurs portables. Pourquoi ces restrictions ? Est-ce que la France va emboîter le pas ? 20 minutes fait le tour des principales questions…
Quels objets devront aller en soute ?
Selon la décision américaine, tous les appareils électroniques plus gros qu’un téléphone portable devront être mis en soute à compter de samedi. Cela concerne les ordinateurs portables, tablettes, consoles de jeux, liseuses, lecteurs de DVD, appareils photo…
Londres a pris une autre définition des objets interdits en cabine : tout téléphone, ordinateur portable ou tablette dépassant 16 cm de longueur, 9,3 cm de largeur et 1,5 cm d’épaisseur devra aller en soute.
Pourquoi ces restrictions ne touchent pas les téléphones portables ? « Ce n’est pas l’appareil électronique qui pose problème, mais le volume de la batterie, souligneXavier Tytelman, consultant en sécurité aérienne. Même si un portable était piégé, les dégâts ne seraient pas assez importants pour faire exploser l’avion. »
Qui est touché par ces restrictions ?
Les Etats-Unis vont appliquer ces mesures à partir de samedi à huit pays : Jordanie, Egypte, Turquie, Arabie saoudite, Koweït, Qatar, Emirats arabes unis et Maroc. Pourquoi pas l’Afghanistan ou l’Irak ? Parce qu’il n’existe pas de liaison directe entre ces pays et les Etats-Unis.
De son côté, le Royaume-Uni appliquera « d’ici samedi » ses restrictions à la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Egypte, la Tunisie et l’Arabie saoudite.
Concrètement, neuf compagnies aériennes (Royal Jordanian, EgyptAir, Turkish Airlines, Saudi Airlines, Kuwait Airways, Royal Air Maroc, Qatar Airways, Emirates et Etihad Airways) sont affectées par la décision américaine. Pourquoi pas American Airlines ? « Les compagnies du Golfe proposent des billets tellement bon marché que les compagnies américaines ne proposent plus de vols pour ces destinations », explique Xavier Tytelman.
La décision britannique touche en revanche quatorze compagnies, dont des sociétés britanniques (British Airways, EasyJet, Jet2.com, Monarch, Thomas Cook…).
Quel est le risque « terroriste » ?
« L’examen de renseignements indique que des groupes terroristes continuent de viser le transport aérien et cherchent de nouvelles méthodes pour perpétrer leurs attentats, comme dissimuler des explosifs dans des biens de consommation », a expliqué un responsable américain. « On a la certitude qu’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), a la capacité de créer des explosifs liquides qui pourraient être dissimulés dans des batteries », complète Xavier Tytelman.
« Les bagages à main passent par des rayons X et les images sont analysées par un agent de sûreté, reprend l’expert. S’il y a un doute, on demande au passager de sortir son appareil et de l’allumer pour vérifier que c’est une vraie batterie. Mais cela prend énormément de temps ! Et il arrive souvent que l’appareil soit confisqué pour ordinateur qui n’avait tout simplement plus de batterie… »
En soute, les contrôles sont plus poussés. « Ils sont contrôlés par un tomographe, qui va lire la composition de la matière et donc repérer s’il y a des molécules explosives. » Si tous les bagages en soute passent sous ce scanner en trois dimensions aux Etats-Unis aujourd’hui, petit à petit les aéroports français se sont équipés. Et une directive européenne impose un passage progressif au tomographe pour tous les bagages en soute d’ici 2018.
Est-ce que ces mesures de sécurité risquent d’être étendues à d’autre pays ?
L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada sont susceptibles de prendre la même décision que leurs deux alliés. L’Allemagne en revanche ne devrait pas adopter les mêmes restrictions.
Quant à la France, pour le moment, elle étudie la question. « Il y a une analyse du risque qui est en cours par les services compétents en matière de sûreté aérienne, et également des discussions interministérielles en cours qui détermineront si mesures il y a, ou pas », a déclaré un porte-parole de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Mais « rien n’a été décidé ni arbitré pour ce qui est de la France ».
« J’ai du mal à imaginer que la France ne prenne pas des mesures similaires », avance Xavier Tytelman. «Et globalement, tous les pays occidentaux vont certainement s’aligner car le risque terroriste les concerne aussi. » Et l’expert de souligner que cet affichage peut devenir un argument commercial : « certains passagers français pourraient préférer prendre British Airways car la sécurité y serait mieux assurée. »
Quelles conséquences pour les voyageurs ?
« C’est surtout gênant pour les passagers en business qui ont besoin de travailler », reprend Xavier Tytelman. « Et qui ont payé cher leur billet pour Emirates qui propose le wifi… On peut d’ailleurs supposer que cette décision ait aussi des motifs économiques ».
Est-ce que ces contrôles risquent de rallonger l’attente ? Au contraire, les contrôles seront accélérés. Plus de pertes de bagages ? « Non car ces restrictions ne touchent que des vols directs, or c’est pendant les connexions que les bagages sont égarés », reprend l’expert.
En revanche, il y a un risque que ces restrictions coûtent cher à certaines compagnies aériennes et que le prix des billets s’en ressente. « Surtout pour les compagnies low-cost comme Easyjet, qui ne sont pas organisées pour avoir beaucoup de bagages en soute, analyse Xavier Tytelman. Elles ont donc moins de comptoirs, de contrôles, de bagagistes. »