HUMANITAIREAfrique: Pourquoi 20 millions de personnes risquent de mourir de faim

Pourquoi 20 millions de personnes risquent de mourir de faim en Afrique et au Moyen-Orient

HUMANITAIREL’ONU vient d’alerter sur la « pire crise humanitaire depuis 1945 »…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

«La saison de la mort », c’est le terrible nom de la dernière famine qui a fait 250 000 victimes en 2011 en Somalie. Mais, selon les observateurs internationaux, la famine qui s’annonce dans ce pays pourrait être bien plus dévastatrice. Car elle risque de sévir non seulement en Somalie, mais aussi au Soudan du Sud, au Yémen et au Nigeria.

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L’ONU a tiré la sonnette d’alarme fin février : la famine, déjà déclarée dans certaines zones du Soudan du Sud, menace 20 millions d’habitants dans ces quatre pays. En 2017, comment expliquer que des millions de personnes risquent encore de mourir de faim ? Quatre facteurs, tous corrélés, aggravent la crise alimentaire dans ces quatre pays.

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Des sécheresses

En Somalie, 6,2 millions de personnes vivent en insécurité alimentaire. Un drame qui s’explique notamment par la sécheresse. « C’est la quatrième année sans pluie », synthétise Isabelle Moussard-Carlsen, directrice des opérations d’ Action contre la faim, qui rentre tout juste de Somalie. Le phénomène météorologique El Nino, qui a provoqué des inondations dans le Sud et une sécheresse dramatique dans le Nord a été suivi par La Nina, autre catastrophe climatique. « Le bétail est décimé, or, c’est leur principale source de revenus », ajoute Isabelle Moussard-Carlsen. Les points d’eau asséchés, les terres arides et le manque de nourriture poussent de nombreuses familles à partir. « Des migrations qui provoquent un manque de main-d’œuvre pour nourrir la Somalie », ajoute Geneviève Wills, responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) basé à Paris. Aujourd’hui, la zone concernée par cette famine est bien plus étendue qu’en 2011.

Pire, « la famine menace également en Ethiopie, au Kenya et en Ouganda, même si l’information est plus canalisée », ajoute Jean-François Corty, directeur des opérations internationales de Médecins du monde. Autre effet de la sécheresse : le prix des aliments explose. « Cela coûte plus cher de se nourrir car, dans ces pays, la pénurie de denrées alimentaires s’ajoute à des monnaies dépréciées et à des réserves financières qui s’épuisent », précise Geneviève Wills.

Des conflits

Pour ces quatre pays, aux situations variées, une donnée revient à chaque fois : la guerre depuis des années. Au Yémen, la guerre a fait 10 000 morts et 3 millions de déplacés depuis 2014.

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En Somalie, la guerre civile oppose depuis 2006 le gouvernement à des groupes islamistes. Au Soudan du Sud, une guerre civile fait rage depuis 2013 opposant les partisans du président élu à ceux du vice-président. Au Nigeria, le conflit entre le groupe djihadiste Boko Haram et l’armée a fait plus de 20 000 morts depuis 2009 et 2,6 millions de personnes ont fui leur foyer.

« Ces personnes ne peuvent donc plus cultiver leurs terres, et donc être autosuffisantes dans des pays déjà très pauvres », souligne le Dr Corty. Agriculture, élevage, commerce, tout est paralysé. Et les routes coupées et l’insécurité isolent des villages où la nourriture ne peut plus arriver.

« Les conflits perturbent le quotidien de ces populations, mais aussi les échanges économiques en interne et avec les pays de la région », renchérit Geneviève Wills. Et la guerre provoque la ruine de certaines familles : au Yémen, les salaires ne sont plus versés et le coût de la vie a augmenté de 40 % en deux ans, selon le PAM.

Un Etat déficient

Facteur aggravant, plusieurs de ces pays connaissent un Etat totalement déficient. Incapable donc de venir en aide à ces personnes menacées par la faim et déplacées, qui se réfugient dans des camps où les conditions d’approvisionnement en eau et nourriture se dégradent, ainsi que l'hygiène, au point que des humanitaires s’inquiètent de voir des cas de choléra se multiplier.

« Il existe un vrai risque de retour d’épidémies liées à des mauvaises conditions d’hygiène et des points d’eau contaminée dans les camps et dans les villages où se rendent ces réfugiés », souligne Isabelle Moussard-Carlsen.

Une réponse humanitaire compliquée

« Il faut intervenir rapidement avant que la famine ne s’installe dans ces quatre pays », poursuit Isabelle Moussard-Carlsen. « Et, pour cela, il faut que la réponse internationale soit à la hauteur des besoins ». « Sur les 20 millions de personnes menacées par la famine, le PAM en assiste aujourd’hui 8 millions et espère cibler 13 millions d’ici juillet », explique Geneviève Wills. Pour cela, l’ONU chiffre à 4 milliards d’euros les besoins. Un challenge financier de taille. « La communauté internationale doit être généreuse, mais l’argent ne sera pas suffisant, avance le Dr Corty. Il faut en parallèle des démarches politiques pour desserrer le blocus au Yémen et permettre à l’aide d’arriver dans les zones de conflits. Sans quoi cette aide financière ne sera ni utile, ni utilisée. »

En effet, pour le moment, au Soudan du Sud, le gouvernement bloque l’accès aux travailleurs humanitaires, aggravant la crise alimentaire. Mais, globalement, dans tous ces pays, l’insécurité due aux conflits complique toute aide extérieure. Sur place, les ONG et programmes de l’ONU trouvent des solutions, par exemple en envoyant leur personnel par hélicoptère ou voiture blindée et les produits par la route. Mais « on est face à un double problème : l’insécurité empêche les populations d’accéder aux services, notamment aux soins, et aux humanitaires de toucher ces populations les plus menacées », analyse Isabelle Moussard-Carlsen.

« Cette crise est sans précédent, conclut le Dr Corty. Non seulement par son ampleur, 20 millions de personnes dans quatre pays, mais surtout par la difficulté d’acheminement de l’aide. On se souvient des famines en Somalie dans les années 1990, à ce moment-là il n’y avait pas ce problème de l’insécurité. Au Yémen, la situation est encore plus critique, car au conflit s’ajoute le blocus. Ni les matières premières, ni les médicaments ne peuvent arriver dans le pays. »