REPORTAGEÀ Athènes, les réfugiés tentent de vivre à l'heure grecque

Accord UE-Turquie: À Athènes, les réfugiés contraints de vivre à l'heure grecque

REPORTAGEBloqués en Grèce depuis la fermeture des frontières, quelque 60.000 réfugiés oscillent entre volonté d’intégration et désir de rejoindre leurs proches dans d’autres pays européens…
Hélène Sergent

Hélène Sergent

De notre envoyée spéciale à Athènes (Grèce),

Il ne reste rien. Ni tentes, ni antennes satellites des camions de télévision, ni banderoles. Sur la place Victoria dans le centre d’Athènes, nulle trace de la crise humanitaire qui se jouait ici en mars 2016. Au lendemain de la fermeture de la frontière gréco-macédonienne, près de 1.000 réfugiés venus de Syrie, d’Irak, d’Iran ou d’Afghanistan vivaient à cet endroit dans des conditions déplorables.

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Le port du Pirée, qui a abrité jusqu’à 3.000 personnes, a lui aussi été entièrement vidé en août dernier. Si l’accord entre la Turquie et l’Union européenne a considérablement réduit le nombre d’arrivées en Grèce, 60.000 réfugiés restent immobilisés dans le pays dans l’attente de voir leur demande d’asile ou de relocalisation acceptée. Longtemps considérée comme ville étape, aujourd’hui Athènes fait face au défi de l’intégration.

Une politique humanitaire à long terme

Au rez-de-chaussée d’une belle bâtisse des années 20, une dizaine d’Afghanes écoutent attentivement un cours de grec. Toutes ont intégré le programme « Alef » lancé en juin 2016 par le centre « Melissa » (« abeille » en grec) soutenu par l'ONG Care. Entièrement dédiée aux femmes et fondée par six migrantes installées depuis plus de vingt ans dans le pays, la structure a délaissé l’aide d’urgence privilégiée au début de la crise pour se concentrer sur une approche à long terme.

Les femmes peuvent se retrouver chaque jour au sein du centre Melissa pour une série d'activités et de cours.
Les femmes peuvent se retrouver chaque jour au sein du centre Melissa pour une série d'activités et de cours. - L-A.B/Care

« Lorsque les frontières ont fermé, on a repensé notre action. Très vite il est apparu qu’ils allaient être obligés de rester. Aujourd’hui ils sont réfugiés, mais il est probable qu’ils soient nos voisins de demain », glisse Nadina Christopoulou, directrice du centre et docteure en anthropologie. Les femmes inscrites au programme peuvent bénéficier de cours de langues (grec et anglais), d’un soutien psychosocial, suivre des activités artistiques, des cours de yoga, de théâtre, de poésie, de droit du travail, d’asile et des ateliers sur la contraception. Objectif : redonner confiance à ces réfugiées et leur donner les clés pour mener à bien leurs projets de vie.

Même constat pour Antonia Kalouptsi, coordinatrice d'une unité mobile au sein de l’ONG grecque Praksis : « En un an, ce qui a fondamentalement changé, c’est que nous devons apporter une aide à long terme, ce n’est plus une aide d’urgence avec distribution de nourriture ou de vêtements ». Chaque jour, leurs équipes et celles de Care, se déplacent dans la ville, notamment pour informer les réfugiés enregistrés auprès du ministère des Migrations sur la possibilité d’obtenir une carte de retrait bancaire plafonnée pour subvenir à leurs besoins.

Le logement, préoccupation majeure

Parmi les 60.000 réfugiés contraints de rester en Grèce, 50 % vivent dans les camps « officiels » gérés par le gouvernement, 30 % - majoritairement des Syriens éligibles au programme de relocalisation - sont logés dans des hébergements urbains, des appartements loués à des ONG ou au Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU (UNHCR) et 20 % se trouvent encore dans les camps bondés des îles grecques. En parallèle, des citoyens proposent des alternatives pour remédier au manque de structures.

À 65 ans, Effrosyni, infirmière à la retraite, accueille depuis un an des réfugiés dans son appartement à Athènes.
À 65 ans, Effrosyni, infirmière à la retraite, accueille depuis un an des réfugiés dans son appartement à Athènes. - L-A.B/Care

Dans son appartement modeste du centre-ville, Effrosyni, infirmière retraitée de 65 ans, partage depuis janvier son quotidien avec Hasna* et ses deux adolescents. Originaire de Damas, cette mère de famille aisée a déboursé 3.000 dollars pour passer de la Turquie à la Grèce. Bloquée durant dix mois dans le camp de Moria (Lesbos), Hasna décrit des conditions de vie dignes d’un « film d’horreur » : « des connaissances m’ont parlé d’Effrosyni lorsque nous étions là-bas, elle était bénévole et des réfugiés nous ont dit qu’elle hébergeait des familles chez elle. Aujourd’hui, je ne sais pas comment la remercier ».

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Mais tous n’ont pas eu la chance de rencontrer Effrosyni. Depuis un an, environ 1.000 personnes, dont un tiers d’enfants vivent toujours dans l’aéroport désaffecté et le complexe olympique d’Hellenikon, situé à la périphérie de la ville.

Pour Antigone Kotanidis, conseillère du maire de la capitale chargée des questions d’immigration, la municipalité ne dispose pas des moyens nécessaires : « En Grèce, l’Etat n’avait pas de politique d’accueil (…) les ONG et les citoyens grecs ont beaucoup aidé malgré la crise économique. Même si les choses se sont calmées depuis un an, c’est très difficile de s’organiser et de planifier, on ne sait pas combien de personnes vont vraiment s’installer ici et on ne sait pas si l’accord va tenir. Or ce sont des vies humaines qui sont en jeu, des vies souvent traversées par des années de souffrances ».

*Le prénom a été modifié