INTERVIEWRéférendum en Turquie: «La position de la France est une position juste»

Crise entre la Turquie et l'UE: «Au nom de quoi les Français ont leur mot à dire sur les élections turques?»

INTERVIEWLa communauté turque en France compte environ 700.000 personnes...
Lucie Bras

Propos recueillis par Lucie Bras

A Metz (Moselle) dimanche soir, des centaines de supporters du président turc Erdogan se sont rassemblés pour un meeting politique controversé. Partout en Europe, les équipes de l’AKP, le parti au pouvoir, organisent des réunions politiques dans le cadre du prochain référendum organisé par le gouvernement.

L’objectif est de mobiliser les soutiens de Recep Tayyip Erdogan parmi la diaspora turque, très représentée en Europe, comme en France, où vivent 700.000 ressortissants turcs. Des initiatives vues d’un très mauvais œil par certains pays de l’Union européenne. Aux Pays-Bas, les autorités ont même renvoyé des ministres en Turquie, portant au passage un coup aux relations diplomatiques qui unissent les deux pays.

Un sujet de division de plus au sein de l’Union européenne. Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), estime qu’il ne revient pas aux Européens de décider de l’organisation du scrutin turc.

Pourquoi cette campagne se joue-t-elle aussi en dehors de la Turquie, dans les pays européens ?

C’est une pratique mise en place à de multiples reprises, et depuis longtemps. En général, les partis politiques turcs organisent des meetings dans les pays où il y a une forte communauté turque, comme en France, en Allemagne ou aux Pays-Bas.

Ça s’est accéléré depuis 2014, quand les citoyens turcs ont eu la possibilité de voter depuis l’étranger. Avant, il fallait rentrer en Turquie pour le faire. Il y avait même des bureaux de vote installés dans les aéroports. Certains faisaient l’aller-retour seulement pour voter. Aujourd’hui, l’enjeu est plus fort qu’à l’époque.

Que pensez-vous de la position de la France et des opinions qui se cristallisent en faveur de l’interdiction de ces meetings ?

La position de la France est une position juste, par principe. Au nom de quoi les Français auraient leur mot à dire les échéances électorales en Turquie ? Le dossier est déjà suffisamment compliqué. Dimanche Fillon, Dupont-Aignan et Macron ont critiqué le gouvernement, en disant qu’il aurait dû marquer sa solidarité aux Pays-Bas et à l’Allemagne. Mais il n’y a pas de solidarité à avoir, car il n’y a pas de position commune.

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Ce qui m’ennuie, c’est l’instrumentalisation de la situation. D’un côté par M. Erdogan, qui récupère les refus des Européens d’organiser ces meetings. De l’autre, la récupération politique aux Pays-Bas. Il ne faut pas être naïf : des élections ont lieu dans trois jours dans le pays. Vu la tonalité des débats, autour du parti raciste et xénophobe [du nationaliste Geert Wilders], il y a une double logique d’instrumentalisation.

Que pensez-vous des Européens qui disent que ces meetings sont contraires au principe de démocratie ?

C’est lamentable. Evidemment, on peut être critique sur le fond, sur la restriction des droits démocratiques. Mais même les partis d’opposition en Turquie ont condamné les interdictions de meeting. Ils voient ce qui se passe comme une restriction de leur capacité à s’exprimer.

Pour qui votent les électeurs turcs émigrés en France ?

Lors des dernières élections législatives en 2015, plus de 50 % de votants ont penché en faveur du président Erdogan. C’est donc un réservoir de voix potentiel pour le 16 avril. Du point de vue du pouvoir politique, l’important, c’est qu’il y ait un maximum de votants. Et ces meetings sont l’occasion de séduire les électeurs.