Corée du Nord: Les éternelles provocations de Kim Jong-un
DIPLOMATIE•La dernière bravade du leader nord-coréen a déclenché une véritable crise diplomatique…Lucie Bras
Quatre missiles et une crise diplomatique. La Corée du Nord a envoyé hier de nouveaux missiles balistiques, qui ont atterri près du Japon. Un exercice qui a provoqué des réactions diplomatiques en chaîne.
Tout sourire sur les photos de l’agence médiatique d’état KCNA,Kim Jong-un regarde ses quatre missiles s’envoler vers le Japon. Quelques heures plus tard, le régime affirme que ces frappes avaient pour but de « frapper les bases militaires de l’agresseur impérialiste américain au Japon en cas de besoin ».
Ces lancements interviennent quelques jours après l’exercice militaire Foal Eagle, auquel participent chaque année des soldats américains et sud-coréens. Une démonstration de force qui ne manque jamais de faire monter la tension avec le voisin nord-coréen.
aUn test pour Trump
Résultat : une provocation de plus pour le dictateur coréen… et un avertissement pour ses adversaires. « La Corée du Nord démontre que ses cibles ne se limitent plus à la péninsule coréenne mais peuvent s’étendre à tout moment au Japon et même aux Etats-Unis », explique Choi Kang, analyste à l’Institut Asan des études de politiques. Avec 47.000 soldats américains au Japon et 28.500 en Corée du Sud, les Etats-Unis sont doublement concernés par les menaces nord-coréennes.
L’historien et chercheur au CNRS Pascal Dayez-Burgeon relativise la situation. « C’est habituel, dès qu’il y a des manœuvres au Sud, le Nord s’agite. Ça fait 70 ans que ça n’éclate pas. C’est une stratégie constante : il faut exister dans la menace ou dans l’incertitude. Et pour exister, il faut qu’il y ait une gradation dans les menaces, sans aller jusqu’au conflit. »
Deux mois après l’investiture de Donald Trump, ces tirs pourraient aussi être un moyen de tester le nouveau président américain. « Avec Obama, la stratégie des Etats-Unis, c’était de ne pas répliquer », analyse Pascal Dayez-Burgeon. Sur le compte Twitter de l’intéressé, aucun tweet n’évoque le sujet.
Un ami encombrant
Après avoir réaffirmé son soutien à « 100 % » au premier ministre japonais Shinzo Abe début février, le président Trump a parlé de la Corée du Nord comme d’un « gros, gros problème ». Depuis la situation semble se normaliser. « La Corée du Nord est une préoccupation constante des Etats-Unis », rappelle Olivier Chopin, enseignant à Sciences Po et chercheur à l’Ehess. « Donald Trump a dit que la Corée du Nord serait un vrai challenge pour lui. Son objectif, c’est de rester crédible tout en maintenant le statu quo. »
Mais immédiatement après ces tirs, les Etats-Unis ont envoyé par le premier avion un bouclier antimissile THAAD (Terminal High-Altitude Area Defense) promis à leur allié sud-coréen. Cette décision a provoqué la colère de la Chine voisine, qui considère que l’engin pourrait brouiller les signaux de ses propres systèmes de missiles.
« La Chine prendra résolument les mesures nécessaires pour défendre ses propres intérêts de sécurité », a averti le porte-parole du ministère, Geng Shuang. Si les relations entre les Etats-Unis et la Chine s’étaient apaisées, l’installation de cet antimissile en Corée du Nord pourrait déclencher une nouvelle crise diplomatique entre les deux pays. De son côté, la Chine commence à en avoir un peu assez de la Corée du Nord, ce pays-ami encombrant. Les autorités chinoises souhaitent prendre leurs distances vis-à-vis des ambitions militaires de leur voisin. La Chine vient même d’annoncer qu’elle cesserait d’importer du charbon de Corée du Nord jusqu’à la fin 2017, la privant d’une source cruciale de devises.