C’est quoi le VX, ce superpoison qui a tué le demi-frère de Kim Jong-un?
ARME CHIMIQUE•L'aéroport de Kuala Lumpur (Malaisie) va être nettoyé à fond par des équipes spéciales pour éliminer toute trace possible du poison VX, ce produit surpuissant considéré comme une arme de destruction massive par l'Onu...L.B.
Des experts malaisiens en toxicologie ont révélé vendredi que c’est le VX, un agent neurotoxique interdit, qui a été utilisé pour assassiner Kim Jong-Nam, le demi-frère du dirigeant nord-coréen. On fait le point sur cette arme redoutable. Pour éviter toute intoxication, l’aéroport de Kuala Lumpur - resté ouvert depuis- va donc être nettoyé à fond par des équipes spéciales pour s’assurer qu’il ne subsiste dans l’aéroport aucune trace de ce poison indolore, inodore et hautement toxique, ainsi que dans des lieux fréquentés avant l’attaque par les deux femmes qui ont jeté ce poison à la figure de la victime le 1" février.
Qu’est-ce que le VX ?
Nom de code donné par les scientifiques américains qui l’ont fabriqué en masse, le VX est un composant organophosphoré et l’un des agents chimiques les plus mortels jamais produits. Stocké aux Etats-Unis en grandes quantités durant la guerre froide, le VX serait dix fois plus puissant que le gaz sarin.
A quoi ressemble le VX ?
« C’est un liquide légèrement jaunâtre et qui n’a pas d’odeur », indique Laurent Evenno, maître de conférences à l’université Paris Sud. Il est suffisamment stable pour être transporté et difficile à détecter, un avantage pour un assassin potentiel.
D’où vient-il ?
Le VX a été créé pour la première fois dans un laboratoire britannique au début des années 1950. Mais des scientifiques américains ont perfectionné sa puissance dans la course aux armements avec l’Union soviétique pendant la Guerre froide.
Quelles précautions faut-il prendre quand on le manipule ?
« C’est un composé très toxique, stable et qui visiblement est très difficile à éliminer des surfaces souillées, comme les vêtements ou le sol », souligne Laurent Evenno, qui recommande de porter des gants et de stocker le liquide dans un contenant étanche. « En cas de contamination, il faut retirer immédiatement les vêtements souillés et rincer abondamment avec de l’eau. »
Comment agit-il sur le corps ?
Le VX attaque rapidement le système nerveux. Une haute dose peut tuer en quelques minutes quand elle est inhalée, dans la mesure où le gaz innervant se répand rapidement dans les vaisseaux sanguins transportant le sang dans les poumons et les autres organes vitaux.
« En bref, il bloque le relâchement musculaire et on s’étouffe », explique Laurent Evenno. « Il peut tuer un adulte de 70 kilos avec seulement cinq milligrammes sur la peau », explique Yosuke Yamasato, ancien principal de l’Ecole de chimie des forces terrestres d’autodéfense japonaises.
Une exposition à faible dose permet de survivre. Mais une contamination plus importante agit vite et est souvent horrible. Des antidotes existent, mais le traitement doit être immédiat. Pendant la première guerre d’Irak, des soldats américains transportaient des trousses avec de quoi s’injecter l’antidote.
A-t-il déjà été utilisé en temps de guerre ?
Le VX n’a pas été souvent utilisé comme arme de guerre. Des dizaines de milliers de tonnes de VX ont été fabriquées en série aux Etats-Unis - un stock finalement détruit à la fin des années 1980, quand la Guerre froide touchait à sa fin. Des fuites accidentelles ont été signalées aux Etats-Unis et au Japon.
Des résidus trouvés sur un site suggèrent que l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein pourrait avoir eu recours au VX parmi les substances chimiques répandues en 1988 sur la ville kurde de Halabja, où au moins 5.000 personnes ont péri.
En 1994, la secte japonaise Aum a utilisé du VX pour le meurtre d’un employé de bureau à Osaka et une tentative d’homicide sur deux autres personnes.
Quel est son statut légal ?
Le VX figure sur la liste des armes de destruction massive de l’ONU. Selon la Convention internationale sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC), les pays doivent déclarer leurs stocks de VX et sont obligés de les détruire progressivement. « La Corée du Nord n’est pas signataire de la CIAC. Il ne serait donc pas surprenant qu’elle possède du VX », a déclaré Satoshi Numazava, professeur de toxicologie à l’université Showa au Japon.
L’utilisation du VX pour assassiner en Malaisie le demi-frère du dirigeant nord-coréen constitue une « violation patente » des traités internationaux, a estimé vendredi la Corée du Sud.