De notre envoyée spéciale à Londres (Royaume-Uni),

Une grève des migrants. L’initiative est suffisamment rare, de surcroît dans la très travailleuse Londres, pour être soulignée. La journée d’action « One day without us » (« un jour sans nous ») organisée au Royaume-Uni et aux Etats-Unis lundi 20 février visait à défendre les migrants installés outre-Manche. Environ 200 personnes ont paradé avec des drapeaux, lundi à l’heure de la pause déjeuner, devant le Parlement où se tient jusqu’à ce mardi un débat sur le projet de loi du Brexit.

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« J’ai posé un jour de congé pour faire grève »

Une manifestation organisée un jour ouvré : tout un symbole à Londres où les grèves sont très rares (excepté dans le secteur des transports). Certains ont donc posé un jour de congé, sans en dire davantage à leur employeur. C’est le cas de Marios, un Grec arrivé à Londres il y a 16 ans, qui travaille dans le secteur éducatif. Drapé dans le drapeau hellène, il s’est posté devant le Parlement pour faire pression sur les élus, avec Marisol, une Espagnole devenue Londonienne il y a sept ans. « Je veux des garanties pour mes droits en tant que travailleur au Royaume-Uni », souffle-t-il, inquiet.

« Pour le moment, je ne peux rien prévoir, je ne sais même pas si on me laissera rester ici et travailler comme je le fais depuis des années ». Quant à son employeur, si Marios ne l’a pas prévenu de son activité militante lundi, il ne doute pas qu’il saura se montrer compréhensif « lorsqu’il comprendra qu’il pourrait perdre 90 % de son personnel ».

« Je suis un atout pour ce pays ! »

C’est aussi le but de cette journée de grève symbolique : insister sur le poids des travailleurs étrangers dans l’économie dynamique de l’île. « Nous voulons montrer au gouvernement et aux Britanniques qu’ils ont besoin de nous ! », s’exclame Sheila, dont la petite silhouette est à demi cachée par une très large banderole de l’association des employés à domicile philippins.

L'association des employés domestiques philippins manifestent le 20 février 2017 à LOndres défendre les droits des travailleurs étrangers au Royaume-Uni.
L'association des employés domestiques philippins manifestent le 20 février 2017 à LOndres défendre les droits des travailleurs étrangers au Royaume-Uni. - L. Cometti / 20 Minutes

« Nous sommes un atout pour l’économie et la société, pas un handicap ». Excédée d’être qualifié de « main-d’œuvre non qualifiée », cette femme de 53 ans s’emporte : « je ne suis pas qualifiée, moi ? qui est-ce qui s’occupe des enfants des Britanniques, qui les nourrit, qui veille sur eux, qui est responsable de cette future génération ? C’est moi ! ». Elle travaille à Londres depuis 13 ans et c’est la première fois qu’elle fait grève. « Mes employeurs sont au courant, ils étaient d’accord, mais très embêtés de devoir se passer de mes services pendant une journée », sourit-elle.

Sur les 150 membres de son association, seule une petite dizaine a fait grève lundi. « Les autres arriveront ce soir, après le travail ». Si Sheila a toujours eu le sentiment d’être perçue comme « une migrante », certains Européens étaient davantage habitués au terme d’« expat’». « Avant le référendum, je ne me voyais comme une migrante, mais nous devons être tous solidaires », estime l’Espagnole Raquel, qui arbore un drapeau Suisse et un autocollant « je suis un migrant ».

Flou total sur leur avenir

Gonçalo, lui, n’a eu de comptes à rendre à aucun employeur. Ce Portugais de 34 ans qui travaille en freelance vit à Londres depuis dix ans. Comme d’autres manifestants, il agit un petit drapeau de papier flanqué du chiffre 3, « car il y a trois millions de ressortissants de l’Union européenne qui vivent au Royaume-Uni », d’où le nom du collectif « The 3 million ». Devront-ils à l’avenir obtenir un visa pour séjourner sur le territoire et pour travailler ? Toutes ces questions les taraudent mais ils doivent prendre leur mal en patience et attendre l’ouverture des négociations entre Londres et Bruxelles.

« Depuis le référendum, nous ne savons plus si nous allons rester ici avec ma copine, nous avons dû mettre nos projets futurs en pause », explique-t-il. « Je paie mes impôts, je suis jeune et en bonne santé donc je ne profite pas du système de santé ni de retraite, je n’ai pas d’enfants qui vont à l’école ici », se justifie-t-il, presque penaud. Il regrette que depuis le scrutin de juin 2016, « les gens sont devenus plus ouvertement xénophobes, même ici à Londres ».

Cette foule modeste a peu à peu grossi en fin d’après-midi, rejointe par les associations et collectifs mobilisés pour une autre manifestation, cette fois-ci contre la future visite d’Etat de Donald Trump au Royaume-Uni.