IRAKPrès de Mossoul, le «Youth center» détourne les ados isolés de la guerre

Près de Mossoul, le «Youth center» détourne les ados isolés du recrutement des milices armées

IRAKAu camp de Debaga, au Kurdistan Irakien, les mineurs isolés qui ont fui Daesh sont une proie facile des milices en quête de nouvelles recrues. D’où un « Youth Center » mis au point par les ONG et qui se veut une alternative…
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

Il n’y a plus de stade à Debaga. Juste un alignement de tentes qui s’étend entre les deux tribunes, là où jadis, on imagine, il y avait deux buts de foot et des lignes blanches. Il y a quelques mois encore, au plus fort de la crise, jusqu’à 40.000 déplacés irakiens ont fui Daesh et la guerre pour atterrir dans ce petit village du Kurdistan Irakien à une centaine de kilomètres de Mossoul.

En ce début février, le
En ce début février, le  - F. Pouliquen / 20 Minutes

Ping-pong et baby-foot

Debaga Stadium n'est qu'un des trois camps avoir poussé ici. « Normalement, il y a toujours des jeunes pour jouer au foot ou au volley », lance Anja Smid, en arrivant sur place. Mais ce dimanche de début février est trop gris et trop froid pour traîner dehors. La manageuse de projet pour l’ONG Terre des Hommes Italie, invite alors à la suivre sous la tribune. Très vite résonnent les rires d’adolescents amassés autour d’une table de ping-pong et de baby-foot, tandis qu’à côté se déroulent un cours d’anglais et un autre d’informatique.

L’endroit grouille de vie. « C’est le Youth Center », présente Anja Smid. Un exemple concret de ce sur quoi vont se pencher ce mardi, à Paris, des délégations venues de 70 pays lors d’uneconférence internationale sur la protection des enfants en zone de guerre.

Des proies faciles pour les milices armées

« A Debaga, l’une des missions des ONG est d’identifier les enfants arrivés seuls au camp », poursuit l’humanitaire. Or, à l’été dernier, un phénomène inquiète : de plus en plus d’adolescents non accompagnés, âgés de 12 à 16 ans, arrivent au camp. Et la rumeur enfle : les milices kurdes, qui combattent Daesh, en profiteraient pour recruter leurs nouveaux membres. « Ces jeunes sont des proies faciles, explique Anja. Beaucoup ont perdu un membre de leur famille tué par Daesh et s’engager dans les combats est la perspective de toucher un salaire. Ces milices paient bien. »

D’où alors ce Youth Center, créé à l’été dernier avec l’appui de l’Unicef et du Haut-commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR). Jusqu’à 300 garçons ont vécu ici. Venus pour la plupart des environs de Markmurt et Al-Qayyarah, deux villes aujourd’hui reprises à Daesh, « de nombreux jeunes ont pu regagner leurs maisons », indique Abdulwahid, psychologue au Youth center.

Reconstruire des vies cabossées

Malgré tout, le centre n’est pas près de fermer. Seize adolescents y dorment toujours, suivent des cours la journée et participent à des activités en tout genre. Une façon de les tenir loin des combats et de la mort probable qui les attendait en rejoignant les milices. Mais ce n’est pas le seul but du Youth Center. Ici, on essaie aussi de reconstruire des vies cabossées par des mois voire des années à vivre sous Daesh.

Hamid, 16 ans, décrit les atrocités et les absurdités tant de fois entendues dans les camps de déplacés dans le Kurdistan Irakien. Les exécutions publiques, les cours de math passées à apprendre « qu’1 balle + 2 balles = 3 balles » [Il quittera l’école peu de temps après l’arrivée de Daesh], et des vies sous privation. « Chez moi, il n’y avait plus d’électricité, plus de travail, de moins en moins de nourriture et tout devenait plus cher », poursuit Hamid.

Des proches laissés derrière lui

Mais le jeune homme, qui a fui seulement avec son frère, connaît l’angoisse supplémentaire d’avoir laissé ses proches derrière lui. « Mon père a fait une crise cardiaque, il était trop faible pour venir », précise-t-il.

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Au Youth Center, Hamid, comme les autres, tente malgré tout de reprendre le cours de sa vie. Les sourires affichés autour de la table de ping-pong pourraient laisser croire que le retour à la normale sera rapide. « C’est plus compliqué que ça, tempère Abdulwahid. L’anxiété transparaît souvent dans les comportements. Le manque d’assurance des enfants, les fréquents cauchemars, l’incapacité, parfois, à dormir quatre heures par nuit. »

Daesh a tout fait pour que les traumatismes mettent du temps à se dissiper. « C’est l’une des particularités de l’organisation terroriste dans la façon d’instrumentaliser les enfants dans les conflits, observe un spécialiste de la protection des enfants au sein d’Unicef Irak. On constate les mêmes niveaux de violence dans d’autres conflits à travers le monde. Mais Daesh rend quasi systématiquement publics les exactions, utilise à outrance les réseaux sociaux. » Un autre point sur lequel pourra se pencher cette conférence « Protégeons les enfants de la guerre ».