VIDEO. Le premier mois catastrophique de Donald Trump
ETATS-UNIS•A ce rythme, le président américain pourrait ne pas finir son mandat, selon l'historien Ronald Feinman...Philippe Berry
Il jure que son gouvernement fonctionne « comme une machine bien huilée » et que qu’aucun président « n’a accompli autant » en un mois. Sauf que dans les faits, les quatre premières semaines de Donald Trump à la Maison Blanche ont été placées sous le signe du chaos.
Le fiasco de son décret anti-immigration
Cela devait être un home-run. Alors que le système américain donne d’immenses pouvoirs au président pour imposer des restrictions migratoires au nom de la lutte anti-terroriste, l’équipe de Donald Trump a accouché d’un décret, de l’avis de nombreux experts en droit constitutionnel, très mal fagoté. Rédigé dans le grand secret en court-circuitant les canaux juridiques habituels, le texte, qui voulait bloquer l’entrée des ressortissants de sept pays majoritairement musulmans, s’est fait démonter au tribunal par quatre juges. Donald Trump a promis un décret remanié pour la semaine prochaine, et on va voir s’il a retenu les leçons de ce premier camouflet.
Un conseiller forcé de démissionner après 23 jours
C’est un record. L’islamophobe et théoricien du complot Michael Flynn a passé un coup de fil à l’ambassadeur russe pendant la période de transition et a discuté avec lui des sanctions contre Moscou. Non seulement c’est illégal, mais Flynn a ensuite menti au vice-président Mike Pence – et au FBI, semble-t-il – en affirmant qu’il n’avait pas abordé cette question. Une seule solution, la démission. Cerise sur le fiasco, l’homme qui avait les faveurs de Donald Trump pour remplacer son conseiller à la Sécurité nationale, l’ancien sniper Robert Harward, a refusé. Et il a appelé toutes les chaînes américaines pour que tout le monde soit au courant, indiquant via son entourage à CNN qu’il avait été refroidi par le chaos actuel à la Maison Blanche, et que l’offre qu’on lui avait faite était « un sandwich à la merde ». Trump se cherche toujours également un directeur de la communication.
L’oeil de Moscou toujours là
La question russe via bien au-delà de Michael Flynn. Selon le New York Times et CNN, le renseignement américain a intercepté « des conversations fréquentes » entre des proches de Donald Trump et des officiels du renseignement russe pendant la campagne. Pour l’instant, on ignore leur nature. Et même si les élus républicains traînent des pieds, plusieurs enquêtes parlementaires sont en cours, notamment à l’initiative de John McCain, plus combatif que jamais.
Des conflits d’intérêts en pagaille
Le président s’est mis en retrait en passant la main à ses fils mais il a refusé de se séparer de son empire et de le placer dans un « blind trust » (fonds fiduciaire sans droit de regard), comme le suggéraient les experts en éthique. Du coup, les conflits d’intérêts s’accumulent, entre son hôtel de Washington qui bénéficie d’un bail fédéral, des dignitaires reçus sur ses propriétés ou, récemment, la décision de la Chine lui accorder le droit de faire de son nom une marque déposée.
Un ministre écarté avant sa confirmation
Andrew Puzder était le candidat de Trump pour le ministère du Travail. Coulé par des polémiques professionnelles et personnelles (il a employé au noir une femme de ménage en situation irrégulière et était accusé de violences conjugales par son ex-femme), il a dû jeter l’éponge après avoir perdu le soutien de plusieurs sénateurs républicains.
Un gouvernement loin d’être au complet
Certes, les démocrates ont fait de l’obstruction parlementaire. Mais certains candidats de Trump ont eu des auditions catastrophiques en commission, comme Betsy Devos, moquée dans tous les talk-shows pour s’être déclarée en faveur des armes à feu dans les écoles à cause du danger représenté par les ours. Il a fallu que le vice-président Mike Pence la sauve en votant pour faire pencher la balance. Vendredi soir, il manquait encore six ministres à Donald Trump (Intérieur, Logement, Energie, Travail, Commerce et Agriculture).
Sean Spicer, Kellyanne Conway et les « faits alternatifs »
Le porte-parole de la Maison Blanche a été envoyé au casse-pipe par le président. Pour sa première conférence de presse, Sean Spicer a été obligé de soutenir que la foule présente à l’investiture avait battu des records, alors même que les photos clairsemées montraient le contraire. Dans la foulée, la conseillère de Donald Trump, Kellyanne Conway, a lancé le concept des « faits alternatifs ». Deux semaines plus tard, elle inventait, dans trois interviews successives, le massacre imaginaire de « Bowling Green ». Résultat : de nombreuses chaînes d’informations la boycottent et refusent de l’inviter. Donald Trump a repris le flambeau du combat contre les « fake news ». Mais lors de sa conférence de presse, jeudi, il s’est fait prendre en flagrant délit de désinformation par un journaliste de NBC.
Des fuites à foison
La Maison Blanche fuit comme un panier percé. Le projet de décret anti-immigration ? Publié dans la presse. Les coups de téléphone au président mexicain et au Premier ministre australien ? Idem. Tout comme les dessous du raid militaire catastrophique au Yémen. Donald Trump s’est énervé contre « des fuites criminelles de documents classifiés » et a demandé au département de la Justice d’enquêter.
Un mandat écourté ?
Selon l’historien Ronald Feinman, il s’agit « du pire premier mois » pour un président depuis l’après-guerre. Il va même plus loin et estime que Donald Trump a de grandes chances de ne pas finir son mandat. Son pronostic, basé sur d’autres présidences : une démission ou une destitution qui interviendrait entre le 31e jour et le 199e jour de son mandat, ou avant 16 mois et 5 jours au maximum. Tic, tac.