ETATS-UNISPourquoi Donald Trump poursuit sa guerre anti-médias

VIDEO. Conférence de presse : Pourquoi Donald Trump poursuit sa guerre anti-médias

ETATS-UNISJeudi, lors d’une conférence de presse improvisée, le Président des Etats-Unis a attaqué avec virulence les médias…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

Des accusations à la place de réponses. Le Président des Etats-Unis a sollicité les journalistes pour une conférence de presse assez insolite jeudi à la Maison Blanche. Donald Trump s’en est pris avec virulence à la « malhonnêteté » de la presse au cours de cette intervention durant laquelle suintait une hostilité évidente entre le président et les journalistes. La politologue franco-américaine Nicole Bacharan revient pour 20 Minutes sur cette stratégie de communication périlleuse.

  • « Une telle conférence de presse est totalement inédite »

« Le niveau de malhonnêteté (des médias) est hors de contrôle », a lancé le président américain, multipliant les attaques contre les médias tout au long d’un échange acrimonieux qui a duré plus d’une heure et quart. « La plupart des médias à Washington, New York et Los Angeles ne parlent pas pour le peuple mais pour les intérêts particuliers et pour ceux qui profitent d’un système cassé de manière très, très évidente », a martelé Donald Trump.

« Depuis que cet exercice existe, une telle conférence de presse est totalement inédite », souligne Nicole Bacharan, politologue franco-américaine. On a vu un show télévisé avec une star sans contrôle. Ces conférences de presse ont souvent été dures aux Etats-Unis, les journalistes ne lâchent pas, mais là on est tombé dans les jeux du cirque. ».

  • « Les codes de la téléréalité importés dans la politique »

Car l’ancienne étoile de l’émission The Apprentice a importé les codes de la téléréalité dans la politique. « Faire du spectacle, c’est ce qu’il veut faire, mais surtout la seule chose qu’il sache faire croit savoir cette spécialiste de la société américaine. Il sait se mettre en scène, faire sa propre apologie, piétiner les faits. Dans la téléralité, rien n’est vrai, ce qui compte, c’est le choc, la surprise et non la réalité. »

Un bon calcul pour l’audimat sans doute, peut-être moins pour la crédibilité du Président des Etats-Unis. Et son accession à la Maison Blanche n’a pas adouci son discours. « Il n’y a eu aucun changement dans son attitude vis-à-vis des médias, et il n’y en aura pas », avance Nicole Bacharan. « Les seuls moments où il arrive à communiquer calmement depuis son investiture, c’est lorsqu’il fait de courtes présentations avec Shinzo Abe par exemple. Mais dans ce cas, tout est préparé. Dès qu’il doit improviser, il est incontrôlable. D’ailleurs, son entourage ne voulait pas qu’il fasse cette conférence de presse. »

  • « Il continue à surfer sur le sentiment anti-élites et anti-médias »

En effet, Donald Trump a gardé son ton accusateur de la campagne présidentielle. « Je me souviens lors de meetings de campagne, il désignait les journalistes à la vindicte populaire en les présentant comme la lie de l’humanité… Il continue à surfer sur le sentiment anti-élites et anti-médias. »

Donald Trump s’est aussi illustré par sa méconnaissance et un mensonge… alors qu’il accuse sans cesse les médias de diffuser des « fake news ». Un des journalistes a en effet rappelé à Donald Trump que son affirmation selon laquelle il est le président le mieux élu était fausse puisque Barack Obama et George H.W. Bush ont remporté davantage de votes au collège électoral. « Je ne sais pas. C’est ce qu’on m’a dit », a concédé le milliardaire républicain. « Quand on lui montre qu’il se trompe, il répond qu’il n’est pas responsable », résume la spécialiste des Etats-Unis.

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  • « Il risque de diviser les Américains sur la vision de la réalité. »

Et cette position très offensive ne vient que souligner les multiples difficultés auxquelles le nouveau Président des Etats-Unis fait face. « On a même le sentiment que son agressivité s’aggrave, reprend Nicole Bacharan. Il a enchaîné les désaveux avec la justice au moment du décret anti-immigration, avec la presse, à l’étranger. Il est déjà en grande difficulté. »

Mais nier la réalité reste une stratégie périlleuse. « Il ne supporte pas la contradiction, donc tout ce qui n’est pas avec lui, devient un ennemi, résume Nicole Bacharan. Il accuse sans cesse les journaux qui font leur travail de diffuser des mensonges. Cela détruit la notion de réalité. A force, il risque de diviser les Américains sur la vision de la réalité. »

  • « Les gens ont voté pour que les choses changent, mais pas pour un désordre total ! »

L’offensive anti-médias du milliardaire semble séduire la frange conservatrice de l’opinion américaine. « Trump se paye la presse » s’est exclamé Drudge Report, site d’informations en ligne très populaire chez les conservateurs.

Pas pour longtemps, assure Nicolas Bacharan. « Les gens ont voté pour que les choses changent, mais pas pour un désordre total !, tranche la spécialiste des Etats-Unis. Ils espèrent que les élites seront mises au pas, mais dans une autre forme d’ordre. Or, jusqu’à présent il y a eu beaucoup d’annonces et peu de réalisations. » En effet, le Président a gouverné en multipliant les décrets… qui pour beaucoup nécessitent un changement de la loi ou des budgets ou sont tout simplement suspendus, comme son décret anti-immigration. « Si dans quelque temps, les soutiens de Donald Trump ne voient pas des améliorations sur l’emploi ou les salaires, ils vont perdre patience. »