TEMOIGNAGEDans un livre, un Suisse pardonne au curé qui a brisé sa vie

VIDEO. Pédophilie: Violé «200 fois» par un prêtre, un Suisse sort un livre et pardonne à son agresseur

TEMOIGNAGE« Mon Père, je vous pardonne » est préfacé par le pape et donne la parole au Frère Joël qui a écopé de deux de prison avec sursis en décembre 2011…
20 Minutes avec agences

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Pendant quatre ans, chaque semaine, il a été violé par un prêtre, en Suisse. Plus de quarante ans après, Daniel Pittet, 57 ans, raconte son calvaire et son combat pour la vérité dans Mon Père, je vous pardonne (Ed. Philippe Rey), un livre rare qui sort demain, jeudi, en librairie et donne la parole à son agresseur, le père Joël Allaz.

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Ancien moine aujourd’hui marié et père de six enfants, Daniel Pittet vit dans le canton suisse de Fribourg et a rencontré le pape en 2015. François a accepté de préfacer son ouvrage, en notant que « des témoignages comme le sien » font « la lumière sur une terrible obscurité dans la vie de l’Eglise », touchée par des scandales pédophiles de la France à l’Australie.

Daniel Pittet estime à « plus de 100 » les victimes probables du père Joël

L’auteur décrit les abus qu’il a subis de 1968 à 1972 (il avait entre 9 et 13 ans) de la part du père Joël Allaz, un capucin suisse. Combien ? « Deux cents viols », a affirmé à l’AFP l’ancien garçon malingre, devenu un colosse affable « d’un mètre nonante quatre ».

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Un seul viol « suffit à casser quelqu’un à vie » et Daniel Pittet estime à « plus de 100 » les victimes probables du père Joël. Une minorité seulement s’est fait connaître. « Quand on est une personne violée, si on veut parler, c’est très difficile », confie Daniel Pittet qui, dans sa vie, a accumulé dépression et maladies.

Le quinquagénaire a attendu près de vingt ans avant de se confier à la justice ecclésiastique, après avoir appris que Joël Allaz avait fait au moins une autre victime. Le prêtre a été prestement déplacé en France, dans le diocèse de Grenoble, où il a été nommé en 1989 dans une paroisse.

« Un pédophile pervers le reste toute sa vie »

En 2003, quelques mois après une émission retentissante à la télévision suisse romande, le père Allaz est transféré à la fraternité des capucins de Bron, près de Lyon, où il est chargé d’un « service administratif sans ministère », selon une source proche du dossier.

Mais il faudra attendre de nouvelles révélations pour qu’une enquête de police soit diligentée : elle fera état en 2008 de 24 victimes d’abus sexuels commis entre 1958 et 1995, en Suisse et en France et pour la plupart prescrits. Joël Allaz écopera de deux ans de prison avec sursis en décembre 2011, au terme d’un procès durant lequel deux victimes s’étaient constituées parties civiles.

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Daniel Pittet a été reconnu comme victime et indemnisé par le diocèse de Fribourg et la congrégation des capucins. Mais la justice de l’Eglise n’a pas condamné son violeur. Une enquête ecclésiastique, ouverte en 2002 à Grenoble, a été refermée « pour manque de preuves ».

Le capucin de 76 ans vit toujours en communauté, en Suisse. « On m’a dit qu’il était suivi, j’espère que c’est vrai. Il peut quand même sortir de son couvent… » glisse sa victime, convaincue qu'« un pédophile pervers le reste toute sa vie ».

« C’aurait pu être mon oncle, c’est un prêtre »

Daniel Pittet a revu le père Joël, pour la première fois, en novembre dernier. « On n’a pas parlé de pédophilie. Il ne m’a pas demandé pardon, mais il l’avait déjà fait par lettre », confie-t-il, évoquant un « mauvais casting », un homme qui « n’aurait jamais dû être prêtre ».

Fait exceptionnel cependant, l’agresseur avait accepté de témoigner en juillet 2016 dans un entretien reproduit en postface du livre de Daniel Pittet. Assez confusément, Joël Allaz reconnaît être « ce pédophile monstrueux qui a fait une série de victimes », puis assure ne plus ressentir « ce genre de pulsion ».

Aujourd’hui, Daniel Pittet, catholique engagé, s’exprime « pour tous ceux qui ne pourront jamais parler ». Sans accabler l’Eglise, il parle d’un fléau que l’on retrouve « dans toutes les familles » : « C’aurait pu être mon oncle, c’est un prêtre. »