PORTRAITJared Kushner, le gendre discret qui murmure à l'oreille de Donald Trump

Jared Kushner, le gendre discret qui murmure à l'oreille de Donald Trump

PORTRAITLe mari d'Ivanka Trump s'est imposé comme l'homme de confiance du futur président américain...
Philippe Berry

Philippe Berry

L’éminence grise de Donald Trump. L’homme de confiance. Le « fixeur ». « Raspoutine ». « Mini me. » La presse américaine ne manque pas de surnoms pour le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, qui s’est imposé en coulisses comme la personne la plus importante de l’entourage du candidat avec le conseiller Steve Bannon. Et à seulement 35 ans, on pourrait bien le retrouver dans une position importante à la Maison Blanche, à condition que la loi sur le népotisme ne vienne pas compliquer la vie du futur président américain. Dans tous les cas, l’ascension politique du mari d’Ivanka Trump est presque aussi fascinante que celle de son beau-père.

Un père envoyé en prison par Chris Christie

Comme dans tout bon drame shakespearien, l’histoire commence avec le père. Jared Kushner, comme Donald Trump, est l’héritier d’un empire immobilier dont il reprend les rênes à seulement 24 ans. La raison ? Son père, Charles Kushner, est envoyé en prison par le procureur du New Jersey, un certain Chris Christie (c’est important pour la suite), pour fraude fiscale, financement illégal d’une campagne et subornation de témoin : il a notamment recruté une prostituée pour séduire son beau-frère et le faire chanter afin de le dissuader de témoigner contre lui. On se croirait dans un épisode des Sopranos, et c’est normal, tout se passe dans le New Jersey.

Elève pas spécialement brillant, Kushner passe pourtant par la prestigieuse université d’Harvard après une donation de 2,5 millions de dollars de son père. Il poursuit ses études à NYU et en ressort avec un diplôme de droit et un MBA. Les déboires judiciaires paternels le laissent avec deux certitudes tenaces : il n’a plus envie d’être avocat et voue une haine farouche à Chris Christie, qui se lance dans la politique et devient gouverneur du New Jersey.

Rupert Murdoch comme mentor

Avec sa belle gueule sortie de la série Gossip Girl, Kushner met le cap sur Manhattan. Comme Donald Trump, Jared Kushner comprend vite que quand on a de l’argent, la dette peut être un merveilleux outil de levier. Il achète l’immeuble au 666 Fifth Avenue pour la modique somme de 1,8 milliard de dollars. Il s’offre également le New York Observer, un hebdomadaire qu’il modernise au format tabloïd sur le conseil de son mentor Rupert Murdoch, raconte Politico.

Kushner rencontre Ivanka Trump par des amis en commun. Mais après deux ans, ils rompent pour des raisons religieuses. Selon les potins, leur réconciliation est orchestrée par Wendy Murdoch, qui les piège sur un yacht. La fille aînée de Donald Trump se convertit alors au judaïsme. Marié en 2009, le couple a aujourd’hui trois enfants.

Le fils spirituel de Donald Trump

De prime abord, Trump et Kushner semblent aussi similaires que le feu et la glace. Le premier a fait de la provocation sa marque de fabrique et se nourrit de la lumière des projecteurs. Le second cultive une réputation de gendre idéal, poli, calme et posé, et fuit les caméras. Mais selon Politico, Trump a trouvé dans Kushner un fils spirituel, qui n’hésite jamais à prendre des risques et se fie davantage à son instinct qu’à l’avis des experts.

Au cours de la campagne, coincé entre les factions loyalistes et l’establishment républicain, le candidat s’est toujours tourné vers sa famille pour prendre ses décisions importantes. Selon les médias américains, c’est Kushner qui l’a convaincu de se séparer de son directeur de campagne, Corey Lewandowski, devenu un poids mort après avoir agrippé une journaliste. Il aurait également joué un rôle central pour recruter Kellyanne Conway afin de mieux canaliser son beau-père. Le seul moment où il est sorti de son silence, c’est quand le community manager de la campagne a retweeté une image de Clinton accompagnée d’une étoile de David. Dans un édito, Kushner le jure alors, invoquant ses grands-parents survivants de l’holocauste, Donald Trump « n’est pas antisémite ».

L’influence du gendre s’intensifie avec le temps. « A bord de son avion, le candidat républicain n’aime pas se reposer ou rester seul avec ses pensées. Il insiste pour que des assistants restent debout et lui parlent. Par-dessus tout, il préfère la voix douce et reposante de son gendre », écrivait le New York Times début novembre.

Quel rôle pour la suite ?

Alors qu’il envisageait, selon Variety, de lancer une chaîne de télévision Trump TV en cas de défaite, Kushner se retrouve à superviser la passation de pouvoir aux côtés de Mike Pence. Sa première décision, selon NBC : organiser une « purge stalinienne » qui a coûté sa tête à… Chris Christie et à tous ses alliés, pour une vengeance glacée qui a mis 10 ans à se concrétiser.

On a encore vu le jeune millionnaire en tête-à-tête avec le chef de cabinet d’Obama, lors de la visite de Donald Trump à la Maison Blanche. Et Kushner était présent avec Ivanka Trump lors de la rencontre officielle entre le futur président américain et le Premier ministre japonais, Shinzo Abe. Certains se sont étranglés, comme Norman Eisen, qui fut le conseiller d’Obama sur l’éthique entre 2009 et 2011 : « Ce n’est pas digne d’une démocratie. On se croirait dans une oligarchie fantoche », tonne-t-il dans Fortune.

S’il veut donner un poste officiel à son gendre dans son gouvernement, Donald Trump pourrait se heurter à une loi instaurée par Lyndon Johnson après que JFK a choisi son frère comme ministre de la Justice. Mais la contourner est possible, notamment avec un titre de conseiller informel non rémunéré. Vu l’admiration affichée par Donald Trump pour Vladimir Poutine pendant la campagne, une affinité pour le népotisme ne serait pas vraiment surprenante.