Convention démocrate: Quel rôle va jouer Bernie Sanders, rival malheureux d'Hillary Clinton?
ELECTION PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE•La vedette-surprise de la primaire démocrate s'exprime ce lundi en ouverture de la convention du parti qui doit consacrer Hillary Clinton...Laure Cometti
C’est le perdant de la primaire démocrate et la vedette de la convention du parti qui s’ouvre ce lundi à Philadelphie. Bernie Sanders a le privilège de s’exprimer en ouverture de ce rassemblement qui s’annonce plus agité que prévu, après la fuite de messages électroniques internes qui a entraîné la démission de la présidente du parti. Que faut-il attendre de son intervention ?
Les pro-Sanders ne désarment toujours pas
Le sénateur du Vermont a annoncé le 12 juillet qu’il soutiendrait sa rivale, un soulagement pour l’équipe d’ Hillary Clinton, plus d’un mois après les derniers scrutins de la primaire. Au terme de primaires très disputées, l’unité du parti est l’un des enjeux cruciaux de la convention de Philadelphie qui durera jusqu’à jeudi. Or la fuite de messages électroniques internes a accentué les divisions au sein de la famille démocrate et galvanisé certains soutiens de Bernie Sanders qui refusent de soutenir l’ancienne secrétaire d’Etat.
« Il y a beaucoup de colère chez certains électeurs », confirme James Cohen, professeur à l’Institut du monde anglophone (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle), qui a assisté samedi à Philadelphie à The People’s Convention, un rassemblement de militants pro-Sanders. Les documents publiés par WikiLeaks ont révélé un certain mépris ou de la défiance de la part des cadres du parti à l’égard du sénateur de 74 ans. Après ces révélations, la présidente du parti démocrate Debbie Wasserman Schultz a annoncé qu’elle démissionnerait après la convention.
Un grain de sable néanmoins indispensable à Hillary Clinton
« C’est très symbolique que Sanders ouvre la convention démocrate, il est porteur d’un message d’espoir et de justice sociale qui séduit particulièrement les jeunes », souligne Romain Huret, directeur d’études à l’EHESS et spécialiste des Etats-Unis. « Après le scandale des e-mails, les jeunes pro-Sanders ont le sentiment de n’avoir pas été entendus, d’avoir été floués. En donnant la parole à Sanders en premier, le parti veut leur dire qu’il les a compris », poursuit Jean-Eric Branaa*, maître de conférences à Paris-Assas. Ce discours de Bernie Sanders est donc très attendu mais il ne devrait pas y avoir de coup de théâtre comme lors de l’intervention de Ted Cruz, qui n’a pas appelé à voter pour Donald Trump lors de la convention républicaine il y a une semaine.
« Bernie Sanders a obtenu des garanties sur le salaire minimum ou la réforme du système de santé. Il a aussi obtenu la tête de Debbie Wasserman Schultz, qu’il réclamait depuis des mois, et la réduction du poids des superdélégués dans les futures primaires démocrates. Ce sont de vraies victoires qui peuvent apaiser ses supporters », estime Jean-Eric Branaa.
Un scénario à la Ted Cruz ?
Pour autant, certains cadres du parti exprimaient une certaine fébrilité ces derniers jours. Le rival d’Hillary Clinton pourrait-il lui « faire une Ted Cruz » ? « Il va sûrement y avoir des négociations à n’en plus finir jusqu’au dernier moment avant le discours de ce soir », suppose Jean-Ric Branaa. En attendant, Bernie Sanders maintient la pression. Au sujet du renouvellement des élites politiques, l’un de ses chevaux de bataille, il a plaidé ce lundi pour des primaires ouvertes sur son compte Twitter : « Dans l’Etat de New York trois millions d’électeurs indépendants n’ont pas pu participer à la primaire démocrate. Il est temps de mettre en place des primaires ouvertes ».
Les militants pro-Sanders ont quant à eux prévu de nombreuses manifestations en marge de la convention.
Pour autant, Bernie Sanders va très probablement maintenir sa position et soutenir Hillary Clinton face à Donald Trump, selon les experts interrogés par 20 Minutes. « Il n’est pas dans une logique jusqu’au-boutiste mais il veut continuer à peser fortement sur cette campagne », observe Romain Huret. « Il peut jouer le rôle d’un trublion, sur le plan des idées, en suscitant des débats sur la redistribution des richesses, les inégalités, la transparence en politique, autant de sujets qui n’ont jamais été autant au cœur d’une campagne américaine qu’aujourd’hui ».
James Cohen est également de cet avis. « Sanders ne va pas se dédire, il a dit qu’il soutiendrait Hillary Clinton face à Trump, même s’il n’est pas d’accord avec elle ». Selon les sondages, une majorité de son électorat devrait le suivre dans cette direction, tandis qu’une partie pourrait se rabattre sur la candidate écologiste Jill Stein.
En revanche, ce sénateur aguerri pourrait s’impliquer dans la campagne des élections sénatoriales (un tiers du Sénat, actuellement majoritairement républicain, sera renouvelé par vote le 8 novembre 2016), selon Jean-Eric Branaa. Les membres de la Chambre des Représentants, également tenue par les Républicains, doivent aussi être renouvelés lors de l’Election day. Deux scrutins lors desquels les pro-Sanders veulent poursuivre la « révolution » amorcée lors de la primaire en soutenant des candidats à gauche.
*Auteur de Hillary : Une présidente des Etats-Unis ? (Eyrolles, 2015).