REPORTAGELe camp pro-Brexit veut sa «fête de l'indépendance»

Brexit: A la veille du référendum, le camp du «out» veut sa «fête de l'indépendance»

REPORTAGE« 20 Minutes » a suivi des bénévoles pro-Brexit dans la dernière ligne droite de la campagne avant le référendum historique sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union Européenne…
Laure Cometti

Laure Cometti

De notre envoyée spéciale à Harlow (Royaume-Uni),

« J’aime le foot mais j’aime pas la FIFA. Là c’est pareil : j’aime l’Europe mais j’aime pas l’Union européenne ». Le ton est jovial, quelques rires fusent mais John Paul Godard reprend rapidement son sérieux et se remet à accoster des passants pour leur demander s’ils vont voter au référendum de jeudi. Dans cette rue commerçante de la ville de Harlow (Essex), à une heure de Londres, les militants pro-Brexit ont installé leur stand coloré pour grappiller quelques voix de plus ce mercredi, à moins de 24 heures de l’ouverture des bureaux de vote.

Des militants de divers bords politiques

« Ça n’a pas été une campagne facile et dans les deux camps des choses horribles ont été dites », souffle John Paul Godard, barista et coordinateur de la plateforme Vote Leave (favorable au Brexit) à Harlow. Pendant des mois, ce sympathisant des Indépendants a fait équipe avec des conservateurs, des militants Ukip et même une écolo, tous unis pour plaider en faveur d’une sortie de l’UE. Ils semblent s’entendre à merveille, devenus proches au fil des jours passés à tracter, tout en assumant et respectant leurs désaccords. « Je n’aime pas Nigel Farage [leader du parti Ukip]. Quand il tient des propos racistes, violents, pour chaque électeur qu’il convainc, j’en perds deux, des moins radicaux », déplore John Paul, qui a participé à la campagne de Hillary Clinton lors de la primaire démocrate en 2008.

La moyenne d’âge des militants pro-Leave de Harlow est sensiblement plus élevée que celle des bénévoles du camp Remain rencontrés par 20 Minutes à Londres. Cela n’empêche pas Niamh, 16 ans, de s’approcher du stand. « Triste et déçue » de ne pouvoir voter jeudi, elle pense que « l’Angleterre irait beaucoup mieux sans l’UE ». « J’aimerais tellement que les choses changent », lâche la lycéenne.

Souveraineté nationale, lourdeurs administratives et immigration

Pourquoi quitter l’UE ? Ces habitants de Harlow ont bien des choses à lui reprocher, en premier lieu de « ne pas être démocratique » et de priver le Royaume-Uni de sa « souveraineté ». « Avant, voter avait du sens, mais plus maintenant puisque nos élus sont soumis à Bruxelles », déplore Richard Clarke, chauffeur routier à la retraite. « Les membres de la Commission européenne ne sont élus par personne. Ils ne nous représentent pas, il n’y a que des hommes et ils sont tous Blancs », peste Coleen Morrisson. La sexagénaire en veut également à l’UE « d’imposer des régulations et une paperasse inutile qui étranglent » sa PME. Ne craint-elle pas les turbulences économiques d’un éventuel Brexit [une sortie du Royaume-Uni de l’UE] ? « Il y aura une récession, et alors ? ce n’est pas cher payé pour notre démocratie ».

L’immigration est l’autre sujet phare de la campagne. « L’UE nous empêche de contrôler nos frontières », poursuit Jerry Crawford, membre de Ukip. « Des étrangers condamnés pour vol, viol, meurtre, peuvent rentrer sans problème. Et quand nous voulons les expulser la Cour de justice européenne désapprouve », assène ce militant Ukip. « We need to take control » [Nous devons reprendre le contrôle], conclut-il en reprenant le mantra de Boris Johnson, fer de lance du vote Leave.

« Pourvu que le 23 juin soit notre fête de l’indépendance »

Nombre de passants opinent du chef ou lancent un bonjour cordial en passant devant le stand Vote Leave. « Je pense qu’à Harlow, le Leave va l’emporter largement, peut-être à plus de 55 % », estime fièrement John Paul. D’ailleurs le camp du Remain a selon lui renoncé à militer dans cette ville depuis quelques jours. « Mais à l’échelle nationale, nous allons peut-être perdre. Evidemment, tout ça est imprévisible, mais ce que je constate, c’est nous avions un bon élan, et là nous l’avons un peu perdu. Les résultats risquent d’être très très serré », lâche-t-il désabusé.

David Hope, habitant de Harlow depuis 20 ans, s'est fabriqué un vélo pro-Brexit au guidon duquel il arpente la ville.
David Hope, habitant de Harlow depuis 20 ans, s'est fabriqué un vélo pro-Brexit au guidon duquel il arpente la ville.  - L. Cometti / 20 Minutes

David Hope est plus optimiste. « Je n’ai jamais fait de politique de ma vie. Si je me suis engagé dans cette campagne, c’est parce que j’espère de tout mon cœur que le 23 juin sera notre fête de l’indépendance », dit-il, reprenant un autre slogan de Boris Johnson. « Si on gagne, ce sera l’un des plus beaux jours de ma vie, surtout que tout le monde était contre nous ». Fair-play, les militants pro-Leave clament déjà qu’ils accepteront une éventuelle défaite. Qu’il faille célébrer une victoire ou noyer le chagrin de la défaite, les pro-Leave ont prévu de quoi affronter les résultats du référendum. « Du champagne si on gagne, du vin rouge si on perd… ou peut-être du gin ! », s’exclame John Paul.