POLITIQUEBrésil: La destitution de Dilma, c'est une telenovela

Brésil: Pour comprendre la destitution de Dilma, regardez-la comme une telenovela

POLITIQUE«20 Minutes» vous présente les personnages et vous résume l'intrigue du meilleur feuilleton politique du moment...
Nicolas Beunaiche

N.Beu.

A chaque semaine son épisode. Ses résurrections, ses rebondissements et ses cliffhangers. A l’image de Game of Thrones ou de House of Cards, l’actualité politique brésilienne est devenue au fil des semaines un véritable feuilleton qui tient la population en haleine. Et comme pour n’importe quelle série, il est bien difficile d’y comprendre quoi que ce soit si l’on ne connaît ni les personnages ni l’intrigue. Si vous avez manqué le début, 20 Minutes vous résume donc la telenovela Dilma contre le reste du monde. Attention, spoilers.

Une histoire de familles rivales

La Présidente Dilma Rousseff appartient au Parti des travailleurs (PT, gauche), anciennement allié au Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre) de son vice-président, Michel Temer, de l’ex-président de l’Assemblée, Eduardo Cunha, aujourd’hui suspendu de ses fonctions, et du président du Sénat, Renan Calheiro. Ces trois-là veulent sa tête, officiellement pour maquillage des comptes publics. Car si Dilma saute, c’est Temer qui la remplacera. Mais pour arriver à leurs fins, ils ont besoin du soutien d’autres familles politiques. Notamment celui du Parti progressiste (PP, droite), dont fait partie le président intérimaire de l’Assemblée, Waldir Maranhão. Or ce dernier est en place « grâce à l’influence de Cunha », précise Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes. Même s’il a voté contre la destitution de Dilma, en avril. Vous suivez ?

Tous les coups sont permis

« Tout ce qui se passe actuellement n’est que lutte de pouvoir », assure Gaspard Estrada. Dernier événement en date : la décision unilatérale du président de l’Assemblée de suspendre le vote des députés, lundi, au motif qu’il constituait un « pré-jugement » de Dilma Rousseff et « portait atteinte à une pleine défense de la présidente ». Une décision légale ? Pas forcément, mais c’est un détail. Si Maranhão a voulu stopper la procédure, ce n’est pas pour une question de droit, mais pour trois raisons, selon Gaspard Estrada. « Il faut d’abord y voir l’influence de Cunha, qui a voulu faire passer le message à Temer que s’il ne le protège pas, la procédure de destitution peut très bien s’arrêter, explique le chercheur. Et puis il ne faut pas oublier que Maranhão a lui-même voté contre la destitution de Dilma, c’est donc aussi son intérêt que de la défendre. Enfin, on peut aussi imaginer des pressions locales : certains médias disent que le gouverneur de l’Etat d’origine de Maranhão lui aurait promis un poste de sénateur en 2018 en échange de l’arrêt de la procédure. » Et si Maranhão a finalement fait volte-face, ce pourrait bien être… en raison de la menace de parlementaires de l’expulser de son propre parti.

Des personnages haut en couleurs

La politique à la brésilienne, ce n’est pourtant pas House of Cards non plus. La faute à des personnalités qui tiennent plus d’ Ubu roi que de Frank Underwood. Si Dilma Rousseff est accusée d’avoir maquillé les comptes publics, ses accusateurs sont loin d’être tout blancs eux-mêmes. Les noms de Cunha, Temer et Maranhão sont ainsi tous les trois apparus dans le dossier Petrobras. Le premier, proche des évangéliques, a même été écarté de la présidence de l’Assemblée pour entrave aux enquêtes le visant dans le cadre du scandale de corruption. Dernier personnage à avoir fait son entrée dans le feuilleton, Maranhão a marqué les Brésiliens. En apprenant la suspension de Cunha, mi-avril, tétanisé, il avait immédiatement annulé une séance de débats, coupé les micros de l’assemblée et s’était réfugié dans son bureau. Interrogé par des députés sur ses intentions, il leur avait demandé un moment « pour parler deux trois minutes avec Dieu ». Puis il avait lancé : « Je vais vous surprendre ! » Il n’a pas manqué son coup.

Prochain épisode mercredi. Les sénateurs doivent se prononcer à leur tour, trois semaines après les députés, sur le sort de Dilma Rousseff. Si l’issue du vote est la même qu’à l’Assemblée, la Présidente sera mise à l’écart pendant 180 jours. Sauf rebondissement.