Autriche: De quoi le succès de l'extrême droite est-il le nom?
POLITIQUE•Dimanche, le candidat du parti d’extrême droite, le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs), est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec 36,4% des voix…Hélène Sergent
Un « formidable espoir », un « succès », un résultat « magnifique »… Depuis l’annonce des résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Autriche, dimanche 24 avril, et l’arrivée en tête du candidat d’extrême droite, Norbert Hofer (FPÖ), les cadres du Front national n’ont de cesse de chanter les louanges de leur allié autrichien au Parlement Européen. Avec 36,4 % des voix, le parti de la liberté d’Autriche a réalisé son meilleur score depuis sa première participation au scrutin présidentiel en 1957. S’agit-il pour autant d’une percée spectaculaire ou du résultat attendu d’une dynamique engagée depuis plusieurs années ?
Le ras-le-bol des partis traditionnels
Pour Gilles Ivaldi, chargé de recherche en sciences politiques au CNRS et à l’université de Nice-Sophia Antipolis et Anaïs Voy-Gillis, doctorante en géopolitique à l’Institut français de géopolitique (IFG), tous deux spécialistes de l’extrême droite européenne, ce résultat est tout sauf une surprise. « Le FPÖ connaît une phase ascendante depuis plusieurs années et oscillait autour de 25 % des voix lors des dernières législatives et régionales », détaille Gilles Ivaldi.
Comme à chaque scrutin, le parti apparaît comme une « alternative aux partis traditionnels qui se succèdent au pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », ajoute Anaïs Voy-Gillis. Preuve de cette lassitude, non seulement Norbert Hofer est arrivé en tête, mais les partis social-démocrate et conservateur, réunis au sein d’une grande coalition depuis 2008, ont été éliminés d’office.
Si la situation économique du pays reste relativement stable par rapport à certains de ses voisins européens, l’augmentation du chômage, particulièrement celui des jeunes, passé à 11,8 % en janvier 2016, a également joué en faveur du FPÖ. « C’est un vote de contestation mais aussi un vote d’adhésion. Les électeurs jugent les politiques sur leur capacité à changer leur quotidien, or ils ont le sentiment que les partis traditionnels ne changent rien », analyse Anaïs Voy-Gillis.
La question centrale des réfugiés
Autre cheval de bataille de Norbert Hofer : la question migratoire. « L’Autriche, de par ses frontières, est confronté à la crise migratoire. Le FPÖ capitalise énormément là-dessus et possède une ligne quasi-identique à celle du Front national de Marine Le Pen », souligne Gilles Ivaldi. Une question centrale pour le candidat arrivé en tête qui a menacé, en cas d’élection définitive, d’user de son pouvoir de dissolution de l’Assemblée si la majorité au parlement ne suivait pas ses recommandations concernant les migrants.
Si les similitudes avec son cousin français, le Front national, sont nombreuses, Gilles Ivaldi insiste sur la place particulière du FPÖ sur la scène politique autrichienne : « Le parti d’Hofer est totalement institutionnalisé. Il existe depuis les années 50 mais son orientation populiste et nationaliste remonte à 1986. Le FPÖ a imposé ses membres dans les différentes coalitions au pouvoir et est présent dans tous les exécutifs régionaux. Sa stratégie politique, en revanche, est la même que celle de Marine Le Pen : il cherche à gagner en respectabilité, joue la carte du renouveau en présentant des candidats jeunes et conserve un discours très radical sur l’Europe et l’immigration en prônant la sortie de l’euro, voire de l’Union européenne, et en revendiquant son positionnement anti-système ».
Enfin, pour le chercheur en sciences politiques au CNRS, il est nécessaire de contextualiser la portée d’un tel vote : « Ce scrutin est avant tout symbolique et n’a pas la même portée politique et institutionnelle qu’en France. Les pouvoirs du Président en Autriche restent limités. » Le second tour de l’élection présidentielle doit se tenir le 22 mai prochain.