Pourquoi Elizabeth II fascine autant les Britanniques
Royaume-Uni•Plus populaire que jamais au Royaume-Uni, la reine Elizabeth II fête ses 90 ans ce jeudi...W.P.
C’est ce jeudi 21 avril que la reine Elizabeth II fête ses 90 ans. Devant le château de Windsor, elle a pu tester sa popularité auprès des nombreux sujets venus lui souhaiter un joyeux anniversaire. D’après un récent sondage réalisé pour le King’s College, 75 % des Britanniques l’apprécient et moins d’un cinquième de la population souhaite la voir abdiquer, contre un tiers en 2001. Les Français sont, pour leur part, 58 % à l’apprécier d’après un sondage du Point, et Itélé rapporte que près de la moitié des Français ne comprennent pas l’engouement suscité par Elizabeth II. Mais que cache donc l’étonnante popularité dont n’a pas toujours joui la néo-nonagénaire ?
Une étonnante longévité
Le 9 septembre 2015, la reine du Royaume-Uni et des autres royaumes du Commonwealth a battu le record de longévité sur le trône britannique, précédemment détenu par la reine Victoria, dont le règne a duré 63 ans, sept mois et deux jours. Mais à en croire Philippe Chassaigne, professeur d’Histoire contemporaine à l’université Michel de Montaigne Bordeaux 3, et auteur d’Histoire de l’Angleterre (Flammarion, 2008), le crépuscule du règne d’Elizabeth II est radicalement différent. « A 90 ans, elle affiche non seulement une incroyable longévité mais également une santé exceptionnelle, par opposition à la fin de vie de la reine Victoria. Une grande partie de la fascination qu’elle suscite vient de sa vitalité. »
Un début de règne marquant
D’après Philippe Chassaigne, les conditions de l’accession au trône d’Elizabeth II ont aussi joué un rôle important dans son mythe. « Elizabeth II accède au trône de manière inopinéen alors qu’elle est en voyage avec son mari au Kenya, colonie britannique. Elle y prononce un discours resté dans l’Histoire, dans lequel elle explique qu’elle va consacrer toute sa vie à ses sujets, que sa vie soit courte ou longue. » Jusqu’ici, la souveraine a plutôt réussi à tenir sa promesse.
Une reine qui a longtemps lavé sa vaisselle
Malgré sa condition de reine, Elizabeth II n’a jamais eu une image très bling-bling. L’histoire de ses face-à-face avec ses Premiers ministres, devant lesquels elle lavait traditionnellement la vaisselle après un déjeuner annuel dans son pavillon de chasse de Balmoral, démontre bien à quel point elle sait rester simple. Humilité qui avait choqué Margaret Thatcher. La légende raconte que celle-ci aurait offert a posteriori des gants en caoutchouc à la reine.
Derrière la tragédie familiale de 2002, l’embellie
Engluée dans une crise d’impopularité tout au long de la décennie 1990 à cause de l’incendie du château de Windsor en 1992 et une attitude jugée inappropriée par ses sujets au lendemain du décès de Diana, la reine d’Angleterre a paradoxalement remonté la pente en 2002, quand sa sœur Margaret ainsi que la reine mère sont décédées à un mois d’intervalle. « Tout le monde connaissait les liens entre la reine et sa plus jeune sœur qui était, elle, très populaire. Les Britanniques ont donc éprouvé une certaine tendresse pour la reine Elizabeth II, qui venait de vivre deux événements relativement durs », analyse Philippe Chassaigne.
StatistaUne reine qui évolue avec son époque
Qui ne se souvient pas de la performance d’Elizabeth II au côté de Daniel Craig, alias James Bond, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2012 ? « La reine s’est adaptée aux nouveaux moyens de communication. Elle est présente sur les réseaux sociaux, le site de la monarchie britannique est bien présenté et didactique », explique le professeur, avant de raconter qu’en 1969, bien longtemps avant la télé-réalité, « des journalistes avaient suivi la reine dans son intimité pendant un an. On pouvait voir la reine faire la cuisine. C’était une façon de montrer que la monarchie était ouverte, même si cela n’avait pas forcément été bien reçu à l’époque. »
Meilleure grand-mère que mère
Si le prince Charles a souvent reproché à sa mère d’avoir été distante et peu attentionnée, ses fils ne peuvent pas en dire autant. « L’attitude froide qu’elle avait avec ses enfants s’est estompée et ses rapports avec ses petits et arrière-petits-enfants sont radicalement différents. La reine s’entend particulièrement bien avec son petit-fils William, lui conférant ainsi l’image de la matriarche aux yeux de ses sujets », expose Philippe Chassaigne.
Une valeur refuge que n’auront jamais les citoyens français. « C’est de là que vient l’incompréhension d’une grande partie des Français. Disons que notre président équivaut au Premier ministre anglais, mais que nous n’avons rien au-dessus du président, personne à qui se raccrocher », conclut le professeur d’Histoire contemporaine.