Primaires américaines: Comment Donald Trump essaie de changer de style
ETATS-UNIS•Plusieurs détails laissent penser que le milliardaire qui a remporté la primaire républicaine à New York mardi essaie d’atténuer son image clivante et sa rhétorique agressive…Laure Cometti
«Sénateur Cruz ». C’est ainsi que Donald Trump a nommé mardi soir Ted Cruz, son rival dans la course à l’investiture républicaine. Cela peut sembler banal, mais il est rare que le candidat ne vitupère pas contre « Ted le menteur », un surnom dont il affuble fréquemment son adversaire. Faire preuve d’autant de mesure, qui plus est après sa victoire galvanisante dans l’Etat de New York, ne ressemble guère au milliardaire. D’autres indices font dire à certains observateurs des primaires que Donald Trump est en train de faire évoluer sa campagne et son style. 20 Minutes dissèque pour vous cette tentative de relooking.
aBaisser le ton
« Il n’y a plus vraiment de course [à l’investiture républicaine]. Le sénateur Cruz est mathématiquement éliminé », s’est réjoui mardi Donald Trump après avoir remporté 60 % des voix lors de la primaire républicaine de l’Etat de New York. Le discours qu’il a prononcé dans le hall de la Trump Tower, gratte-ciel emblématique de son empire, était, une fois n’est pas coutume, purgé de sa rhétorique enflammée et de ses insultes favorites comme « Ted le menteur ». Il n’a pas non plus fait référence à Hillary Clinton, ou « Hillary la corrompue » (Crooked Hillary), comme il aime habituellement la nommer.
A tel point que Donald Trump « semblait être un candidat différent », écrit ce mercredi le New York Times. Pour le quotidien américain, il s’agit du discours « ressemblant le plus à un discours présidentiel qu’il ait jamais prononcé un soir de vote ». Le magazine Time note également que son allocution était « un peu plus disciplinée » que d’habitude.
Remanier son équipe de campagne
Cette rhétorique quelque peu assagie serait-elle le fruit d’un remaniement de son équipe de campagne ? Depuis deux semaines, Donald Trump a réorganisé son entourage. Il l’a également étoffé en recrutant Paul Manafort, un homme de 66 ans réputé pour son expertise en matière de conventions contestées ou ouvertes (sans candidat majoritaire).
Lobbyiste aguerri et briscard de la politique américaine, Paul Manafort a notamment participé aux campagnes de Gerald Ford, Ronald Reagan et George Bush père. Son image est plus sage que celle de Corey Lewandowski, bras droit du candidat qui, en agrippant violemment une journaliste lors d’une conférence presse en Floride, le 8 mars, avait illustré la violence de la campagne de Trump.
Faire son mea culpa
Aprèssa sortie controversée sur l’avortement, fin mars, Donald Trump avait tenté de faire amende honorable. Il était revenu partiellement sur ses propos et avait justifié ses déclarations en affirmant qu’il devait « être très dur pour l’emporter ». « Je vois que les femmes n’aiment pas cela. Cela va changer », avait-il promis. Début mars, après sa victoire lors du Super Tuesday, le milliardaire avait montré qu'il était capable de composer une attitude plus «présidentiable».
Donald Trump pourra-t-il faire oublier aux Américains des mois de sorties misogynes, racistes ou homophobes assumées ? « S’il fait profil bas dans les prochains mois, il peut espérer grappiller quelques millions de voix, mais c’est un candidat qui sent le soufre », estime James Cohen, professeur à l’Institut du monde anglophone, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle.
En outre, cette stratégie pourrait lui faire perdre des voix parmi ses sympathisants, en particulier du côté des « White angry men » (« les hommes blancs en colère ») qu’il drague ouvertement depuis le début de la campagne, explique Elisabeth Vallet, professeure associée à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). La mission semble donc difficile, mais impossible n’est pas Trump. Comme le soulignait le cadre démocrate Ed Randell auprès du Los Angeles Times, « il a surpris tout le monde à chaque étape de cette campagne ».
Si Donald Trump parvient à tempérer son message et son style, les prochaines primaires, prévues mardi dans les Etats du Connecticut, du Delaware, du Maryland, de Pennsylvanie et Rhode Island, pourraient faire entrer la campagne dans une nouvelle phase.