INTERVIEWDisparition du MH370: Ghyslain Wattrelos «doit continuer le combat»

Vol MH370: «Je n’ai toujours aucune réponse», regrette un Français

INTERVIEWGhyslain Wattrelos se bat pour connaître la vérité sur le sort du vol MH370, qui a disparu le 8 mars 2014, avec à son bord 239 personnes, dont des membres de sa famille...
Florence Floux

Propos recueillis par Florence Floux

Il y a deux ans, Ghyslain Wattrelos perdait sa femme et deux de ses enfants dans la disparition du vol MH370 de la Malaysia Airlines. Depuis, ce père de famille, l'un des Français proches de victimes de cette catastrophe aérienne hors du commun, se bat pour connaître la vérité.

A votre connaissance, où en est l’enquête sur la disparition du MH370 ?

Je n’en sais rien. Je suis tenu au courant parce que je me suis porté partie civile en France. Si les juges français ne me tenaient pas informé, personne ne me dirait rien. La Malaisie ne m’a jamais contacté. Il n’y a aucun accord entre la France et la Malaisie au point de vue judiciaire. Les juges français ont donc dû lancer une commission rogatoire internationale. La découverte du flaperon à la Réunion, en territoire français, a permis de faire avancer la coopération. Une délégation française de douze personnes s’est rendue en Malaisie, en décembre 2015. J’ai vu les juges, qui m’ont expliqué qu’ils ont pu récupérer de nombreux documents de l’enquête sur place, qu’ils vont étudier.

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Comment avez-vous réagi cet été, lors de la découverte du flaperon, à la Réunion ?

Pour moi, la découverte de ce débris a été une date importante, puisqu’il signifie qu’il y a eu un crash et que mes disparus ne reviendront plus. Jusque-là, on n’avait aucune preuve, donc on pouvait croire les gens qui continuaient de nous dire : « Ils sont prisonniers au Pakistan ».

Où est le flaperon actuellement ?

Le flaperon se trouve à Toulouse dans un laboratoire qui dépend de l’armée, il me semble. Ils font encore des analyses dessus, notamment sur la flotabilité, afin d’essayer de retracer le trajet du débris en fonction des courants marins. La Malaisie a également demandé qu’on le lui envoie.

Avez-vous essayé de vous regrouper avec d’autres familles de victimes ?

Oui, mais ça s’est un peu estompé avec le temps. Avec les Chinois c’est compliqué, ils n’ont même pas le droit de me contacter. Ceux qui ont commencé à se plaindre ont été emmenés au poste. Ils ne peuvent rien faire. Et en Malaisie, ça semble un peu plus libre, mais ce n’est pas mieux. On n’a pas vraiment réussi à se coordonner tous ensemble. Moi, je suis à 10.000 km. Et puis les gens commencent maintenant un peu à tourner la page. Il y avait une Américaine qui était assez impliquée mais elle ne l’est plus. Donc je suis un peu seul.

Je crois savoir que vous avez également fait appel à un détective privé ?

Oui, nous avions lancé une campagne de crowdfunding [financement participatif] sur une plateforme américaine. Dès le départ, on s’est aperçu qu’on nous mentait, donc nous savions que l’enquête officielle ne nous donnerait pas de réponses. Mais pour lancer une enquête parallèle, il fallait beaucoup d’argent. D’où l’idée d'un crowdfunding. Mais ça a été mal mené et nous n’avons pas récolté suffisamment d’argent pour faire une vraie enquête ou pour rémunérer quelqu’un qu’il aurait fallu mettre à l’abri ensuite. Nous avons chargé des gens de quelques missions d’enquête. Mais ils n’ont pas trouvé grand-chose.

Que pensez-vous qu’il soit arrivé à votre famille ?

Les données enregistrées par les radars militaires tendent à prouver que l’avion a été détourné. Il change plusieurs fois de cap et reste entre deux pays, peut-être pour éviter les avions de chasse. Si l’avion est détourné, pour moi il y a plusieurs possibilités : soit il est abattu, soit il atterrit quelque part. Le flaperon qu’on a retrouvé à la Réunion semble dire qu’il y a eu un crash, donc qu’il n’a atterri nulle part. S’il y a eu crash, c’est soit qu’il a été abattu, soit qu’il y a eu un incident et qu’il est tombé dans l’eau. Voilà les théories. Après, l’avion peut très bien avoir atterri avant d’être rebalancé quelque part. Tout est possible.

Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous aujourd’hui ?

Je me lève pour deux choses le matin : mon fils et ce combat. Je dois montrer l’exemple à mon fils, lui prouver que la vie continue. Et il faut que je poursuive ce combat, parce que je n’ai toujours aucune réponse. Le jour où ce combat sera terminé, ça sera peut-être compliqué, mais aujourd’hui ça me fait un peu tenir. Après, on verra. Je vais retourner en Malaisie, m’appuyer sur des experts. La chance pour que je trouve quelque chose est infime, mais je dois la saisir. Cette histoire est tellement énorme que des tas de gens doivent connaître un petit bout de vérité.