Gardien d'un pays en éveil
•Ses livres sont le reflet des tourments de la région. Il dit d'ailleurs « dans mes romans, je tente d'approcher mon histoire, celle de mon pays ». Elias Khoury est l'un des plus grands écrivains libanais de sa génération. L'un des plus engagés aussi....Armelle Le Goff- ©2007 20 minutes
Ses livres sont le reflet des tourments de la région. Il dit d'ailleurs « dans mes romans, je tente d'approcher mon histoire, celle de mon pays ». Elias Khoury est l'un des plus grands écrivains libanais de sa génération. L'un des plus engagés aussi. En 1981, son deuxième roman, Comme un parfum de paradis, est un pavé dans la mare. Le Liban est en pleine guerre (1975-1990) et l'écrivain n'épargne aucune des factions qui se déchirent le pays.
Dans une nation où les cours d'histoire s'arrêtent à l'indépendance, en 1943, Elias Khoury est un empêcheur de tourner en rond. Un chirurgien de la mémoire qui ne se prive pas de tirer la sonnette d'alarme quand il le juge bon. Dans Yalo, un autre de ses livres, écrit bien des années après la fin de la guerre, il raconte l'épopée criminelle d'un jeune Libanais rendu monstrueux par le spectacle des combats. Né en 1948, à Beyrouth, en même temps que l'exode palestinien, qui lui inspirera La Porte du soleil, Elias Khoury a vécu tous les prémices de la guerre libanaise. Ce destin lui permet de dire aujourd'hui que « la région vit dans une guerre continue ». En juillet 2006, alors que son pays semble à l'intersection de tous les possibles depuis le retrait de la tutelle syrienne en avril 2005, elle refait surface.
La riposte israélienne à l'enlèvement par la milice chiite Hezbollah de deux soldats israéliens lui rappelle l'invasion de 1982. « A tel point que je n'arrivais plus à distinguer le présent de mes souvenirs. » Au même moment, il termine Comme si elle dormait, son dernier roman (Actes sud). L'exercice « devient une échappatoire » qui lui permet d'aider à la prise en charge des déplacés du sud du pays. Etrange coïncidence, son héroïne, Milia, jeune femme libanaise des années 1930, passe son temps à rêver pour échapper à la violence de son quotidien. Elias Khoury, lui, n'y échappe pas. En juin 2005, son ami le journaliste Samir Kassir est victime de la vague d'attentats ciblés qui ont suivi celui de Rafic Hariri. Lui-même pourrait être pris pour cible. Malgré tout, impossible de se résoudre à quitter Beyrouth, où il perçoit toujours le parfum du paradis, celui de la paix.