INTERVIEWJean-Louis Borloo: «Le réfugié climatique et le migrant économique sont une même personne»

Jean-Louis Borloo: «Le réfugié climatique et le migrant économique sont une même personne»

INTERVIEWEn amont du sommet de La Valette sur l’immigration et à quelques semaines de la COP21, l’ancien ministre de l’Ecologie défend son projet d’agence dédiée à l’électrification de l’Afrique…
Laure Cometti

Propos recueillis par Laure Cometti

L’Europe se tourne vers l’Afrique pour résoudre la crise migratoire. Un sommet qui s’ouvre ce mercredi après-midi à Malte réunira jusqu’à jeudi des chefs d’Etats d’Afrique et de l’Union européenne. À La Valette, l’objectif de l’Europe est de s’associer aux pays d’origine pour s’attaquer aux « causes profondes » qui poussent encore tant de personnes à quitter le continent africain. Jean-Louis Borloo veut y voir un signe que son plaidoyer pour une agence dédiée à l’électrification de l’Afrique commence à être entendu. Avec la Fondation Energies pour l’Afrique, l’ancien ministre de l’Ecologie vise à électrifier 100 % du continent d’ici dix ans, grâce à un apport financer de 4,5 milliards d’euros par an, fourni par les pays du Nord, dont l’Europe.

Qu’attendez-vous du sommet de La Valette qui réunit des dirigeants d'Europe et d’Afrique ?

On peut espérer que les choses bougent, qu’il y ait un vrai accord, d’autant plus que les 54 chefs d’Etat et de gouvernement africains ont voté à l’unanimité, le 15 juin dernier, la création d’un instrument dédié au financement de projets d’électrification. Cette proposition a aussi reçu le soutien du Parlement panafricain [le 7 octobre dernier]. La priorité des pays d’Afrique est claire. Ces jeunes nations n’ont pas les apports financiers nécessaires pour financer l’électrification de 100 % du continent, donc il faut que les pays du Nord transfèrent des fonds à une seule et unique agence, gérée par les Africains, pour distribuer l'argent pour soutenir des projets d’électrification concrets, durables.

Pensez-vous que la crise migratoire en Europe a généré un déclic en Europe au sujet du développement africain ?

Certainement, car les gens se rendent compte que le réfugié climatique et le migrant économique sont une même personne. Les gens fuient des pays où ils n’ont ni accès à l’eau, à l’énergie, à l’emploi… On ne peut pas séparer ces problèmes, il faut les aborder avec une vision d’ensemble. C’est ce que les Français attendent de leurs dirigeants, comme le montre le sondage réalisé par Opinionway. Ils sont très lucides et ils s’intéressent à l’avenir de ce continent, le plus proche du nôtre, géographiquement et par notre histoire commune. Ce sondage montre aussi que les Français refusent de découper les sujets, ils savent que les enjeux économiques, migratoires, climatiques sont liés. La question est posée dans l’opinion publique, aux dirigeants de tout mettre en œuvre pour y apporter des réponses concrètes.

La COP21 sera-t-elle également l'occasion de répondre aux problématiques de développement en Afrique ?

La COP21, ça doit être une réunion sur la vie des gens sur Terre, et pas un sommet de scientifiques ou de hauts diplomates. Le sujet central, c’est l’accès à l’énergie, qui conditionne l’accès à tous les droits, la santé, l’éducation… Il faut que cet événement soit un moyen pour faire pression sur les Etats, qui doivent passer aux actes.

Y a-t-il à ce jour trop de paroles et peu d'actes selon vous ?

Il y a beaucoup de réunions, les choses traînent. Car tout le monde vit un peu de cette pauvreté. Le Climate Fund [Fond vert pour le climat, un mécanisme des Nations unies visant à transférer des fonds des pays les plus développés vers les plus vulnérables pour les aider à lutter contre les effets du dérèglement climatique], est loin d'avoir reçu les 100 milliards de dollars de promesses de dons. Son siège est en Corée du Sud, à des milliers de kilomètres du continent africain… L’enfer est pavé de bonnes intentions. C'est pour cela que je lance un appel à un ressaisissement méthodologique. Le temps presse, chaque mois compte.

Certains vous accusent de néocolonialisme, d’autres rappellent que le président des Etats-Unis Barack Obama a lancé un programme similaire, Power Africa

Concernant les premières, ce sont des critiques que l’on n’entend que dans le quartier latin. Quant au second point, je ne fais qu’un plaidoyer pour un plan d’électrification le plus efficace, le plus opérationnel et le moins coûteux possible. Je ne suis qu’un lanceur d’alerte, qui aspire à stimuler la création d’un outil qui puisse être gouverné par les Africains, pour les Africains.