PORTRAITHenriette Reker, une humaniste à la tête de Cologne

Henriette Reker, une humaniste à la tête de Cologne

PORTRAITPoignardée samedi par un homme qui lui reproche sa politique d'acceuil des réfugiés, la toute nouvelle maire de la ville est encore à l'hôpital...
Henriette Reker à Cologne vendredi 16 octobre, la veille de son agression.
Henriette Reker à Cologne vendredi 16 octobre, la veille de son agression. - AFP
Victor Point

Victor Point

Il aura fallu qu’un agresseur aux motivations racistes lui plante samedi un couteau dans la gorge pour que le nom d’Henriette Reker soit connu en dehors du land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Dimanche, la femme de 58 ans a été élue maire de Cologne dès le premier tour avec 52,64 % des voix, alors qu’elle est toujours à l’hôpital ce lundi, plongée dans un coma artificiel. Elle ne devrait souffrir d’aucune séquelle de cet acte barbare et être apte à prendre ses fonctions.

Près de 8 000 réfugiés à accueillir

Avant de se retrouver tragiquement sous les feux de l’actualité mondiale, Henriette Reker, entrée à la mairie de Cologne en 2000, œuvrait depuis 2010 à l’intégration des étrangers et à l’accueil des réfugiés. Une fonction qui a pris une importance considérable à cause de la crise migratoire dès 2014. Et son action ne plaît pas à l’extrême droite locale, dont est proche son agresseur : pour répondre au manque d’infrastructures dédiées, elle met à disposition des salles de sport, fait construire des habitations provisoires… Il faut accueillir près de 8.000 demandeurs d’asile, quand la ville ne peut théoriquement en loger que 65.

Installées à Cologne, ces tentes provisoires peuvent loger 900 personnes. Sept autres espaces du même type ont été mis en place dans la région depuis le début de l’année. - Marius Becker/AP/SIPA

« C’est davantage qu’un candidat lambda, raconte Pierre-Yves Le Borgn, député (PS) des Français de l’étranger en Allemagne, dont le bureau est à Cologne. Elle a un parcours au-dessus de la politique partisane. » « Quand je parle des réfugiés, je ne veux pas relier ça à des mesures coercitives, à une charge, mais à un potentiel, une chance », déclare-t-elle notamment sur son site Internet. Celle qui souhaite que « personne ne dorme sous les ponts » incarne une politique migratoire humaniste et pragmatique de longue date chère aux Colognais.

Maître Jacques Laborde, consul honoraire de France, présent à Cologne depuis plus de vingt ans, confirme que la ville a toujours été très ouverte vers l’extérieur. Il loue aussi le changement que représente Henriette Reker : « C’est la première fois qu’une femme est élue à ce poste. Cela ne m’étonne pas de la part des Colognais, qui sont démocrates et progressistes. »

Déchirements allemands

Le principal défi de son mandat sera de gérer cette crise migratoire. « Cologne est une ville jeune et dynamique, qui a les moyens d’insérer les réfugiés », assure Pierre-Yves Le Borgn. Mais l’état dans lequel Henriette Reker se trouve incarne aussi de manière particulièrement violente les déchirements d’une Allemagne divisée sur la question des réfugiés. Le caractère volontaire et direct de la nouvelle maire suffira-t-il pour répondre à ce défi ?

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Une anecdote, racontée par le quotidien allemand Die Welt, raconte bien le personnage. Choquée que les éditeurs photo aient gommé ses rides sur ses affiches, elle les a toutes fait réimprimer. « Je veux être authentique », souligne celle qui, avant cette élection, préférait rester dans l’ombre. Son projet pour la ville, axé sur le social et l’écologie (construction de logements abordables, développement des transports écologiques, davantage d’espaces culturels et artistiques) a su convaincre des acteurs très différents de la scène politique locale.

C’est ainsi que son nom a permis de réunir une large coalition : alors qu’elle se présentait comme indépendante, elle était soutenue par la CDU d’Angela Merkel (centre-droit), le FDP (libéraux) et Die Grünen (écologistes). Elle a pris la ville aux sociaux-démocrates du SPD, relégués à plus de 20 % derrière, et arriveà la tête de la cité avec une majorité confortable.