Inde: à Bombay, la cuisine du monde se glisse dans les gamelles des dabbawallahs

Inde: à Bombay, la cuisine du monde se glisse dans les gamelles des dabbawallahs

Le déjeuner livré au bureau par les célèbres "dabbawallahs" de Bombay n'est plus l'apanage des femmes au foyer de la mégapole indienne: celles-ci sont désormais concurrencées par une foule de traiteurs en ligne proposant des menus du monde entier.
© 2015 AFP

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Le déjeuner livré au bureau par les célèbres «dabbawallahs» de Bombay n'est plus l'apanage des femmes au foyer de la mégapole indienne: celles-ci sont désormais concurrencées par une foule de traiteurs en ligne proposant des menus du monde entier.



Les 5.000 livreurs de repas de Bombay, reconnaissables à leur uniforme de coton et leur calot blanc à la Gandhi, pédalent toujours dans les rues congestionnées, mais dans leurs boîtes métalliques (tiffins), les plats préparés à la maison par les épouses côtoient aujourd'hui recettes thaïes et mexicaines concoctées par des traiteurs.

«Le nombre de tiffins confiées par des traiteurs a grimpé en flèche au cours des dernières années», constate Raghunath Medage, président du syndicat des dabbawallahs de Bombay.

«La proportion des plats préparés à domicile est passée de 100% à 60% et nous anticipons une poursuite de cette baisse», dit-il à l'AFP.

Les dabbawallahs, littéralement «celui qui transporte une boîte», sillonnent les artères de la capitale économique indienne depuis plus d'un siècle.

Ils sont au cœur du récent film indien à succès «The lunchbox» (2013) où une femme au foyer concocte un repas savoureux pour son mari qu'un dabbawallah livre par erreur - rarissime dans ce système quasi-infaillible - au bureau d'un autre homme.

Mais les temps changent. Désormais, nombre de ces repas transportés dans les boites en fer sur les vélos brinquebalants ont été sélectionnés sur un site internet par des travailleurs affairés.

Yummy Tiffins, qui se présente comme «le premier service personnalisé de tiffin en ligne», propose ainsi 40 plats pour chaque jour de la semaine, à commander jusqu'à un mois à l'avance.

- Choix infini de menus -

«Nous voulions combler le vide existant entre le service de tiffin, qui s'appuie sur la cuisine traditionnelle, et le restaurant où vous commandez ce que vous voulez, en offrant un large choix et en gardant le goût du fait-maison», dit son fondateur Pratik Jain.

«Il y a beaucoup de variété dans nos menus, de la nourriture indienne, internationale et de nombreuses options pour ceux qui ont le souci de leur ligne», explique cet ancien étudiant en management de 29 ans.

Son site internet, qui reçoit 300 visites par jour et croît de 70% par an, s'est allié à un nutritionniste qui conçoit des menus à faible apport calorique.

«C'est un marché concurrentiel avec de nombreux acteurs. Il est devenu beaucoup plus professionnel depuis l'arrivée de start-ups très en pointe technologiquement. Les clients passent fréquemment d'un service à un autre», souligne Jain.

Tina Parikh, une employée travaillant dans le sud de la ville, explique qu'elle commande son repas auprès de la société SoulCare pour gagner du temps. «C'est uniquement une question de commodité. Préparer son repas tôt le matin avant d'aller au travail est un peu fatigant», dit-elle à l'AFP en récupérant sa boîte en métal sur un chariot.

Son ami Vinayak Azad déjeune de plats préparés chez lui mais dit en plaisantant qu'il pourrait recourir à l'un de ces services en ligne pour retrouver la ligne. «Il existe de nombreuses excellentes offres et je devrais y penser, vu que j'ai toujours du ventre...»

Le service Yummy Tiffins recourt aux dabbawallahs, qui livrent chaque jour 200.000 repas grâce à un système complexe de codes couleur alpha-numériques admiré dans le monde entier. Leur business model a été salué par l'université de Harvard et jugé quasiment infaillible.

- Nouvelle concurrence -

Mais certains traiteurs, eux, y ont renoncé. Maqsood Patel, cofondateur de Foodzim, site internet de livraison de repas, explique ainsi que sa société recourt de plus en plus à un service de conciergerie pour satisfaire sa clientèle haut de gamme.

«Ils livrent le repas des clients sur leur bureau tandis que les dabbawallahs, eux, se contentent fréquemment de le déposer à l'entrée principale, où il faut ensuite venir le récupérer», dit Patel à l'AFP.

Par ailleurs, selon lui, la nourriture de Foodzim est plus fraîche que celle transportée par les dabbawallahs, qui voyage par train - or «avec la chaleur des aliments comme la salade peuvent se dégrader», dit-il.

Autre avantage, plaide Patel: l'anglais des chauffeurs est souvent meilleur que celui des dabbawallahs, fréquemment originaires de la campagne autour de Bombay où l'on parle le marathi.

Et l'entreprise offre une application mobile permettant de suivre l'acheminement du repas.

Mais Medage, le président du syndicat des dabbawallahs, n'est pas inquiet de cette nouvelle concurrence. «Nous continuons de recruter dans les villages où peu d'autres opportunités existent. En travaillant dur, les dabbawallahs peuvent gagner au moins 10.000 roupies par mois (135 euros)».

Suresh Pawar, qui fait ce métier depuis 12 ans, se montre tout aussi confiant. «Le nombre de nos livraisons fluctue. Quand l'un d'entre nous s'arrête ici, un autre reprend le flambeau ailleurs», dit-il.

Cet article est réalisé par Journal du Net et hébergé par 20 Minutes.