L’affaire des infirmières bulgares, un feuilleton judiciaire et diplomatique

L’affaire des infirmières bulgares, un feuilleton judiciaire et diplomatique

DECRYPTAGE – Alors que le sort des infirmières et du médecin retenus en Libye est des plus confus, 20minutes.fr revient sur huit années de négociations…
Sa. C.

Sa. C.

Alors que le sort des infirmières et du médecin retenus en Libye est des plus confus, 20minutes.fr revient sur huit années de négociations.

La genèse de l’affaire


Libye, le 9 février 1999. Alertée par des cas d’enfants porteurs du virus du Sida, la police arrête de nombreux professionnels de la santé, travaillant dans le pays. La majorité des détenus sera ensuite relâchée, à l'exception de cinq infirmières bulgares et d'un médecin palestinien. Ils sont accusés d'avoir transmis sciemment le virus à 426 des enfants soignés à l'hôpital où ils travaillaient.


Le procès


Le procès s’ouvre le 7 février 2000. Le 6 mai 2004, le tribunal pénal de Benghazi acquitte les neuf médecins libyens. En revanche, le médecin bulgare est condamné à 4 ans d’emprisonnement, cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien sont condamnés à mort.


Un recours à l'encontre de la condamnation à mort est introduit devant la Cour suprême de Libye. Elle accepte un nouveau procès et renvoie l’affaire devant la cour pénale de Benghazi, le 25 décembre 2005. Le même mois, Sofia rejette une proposition de Tripoli de classer l'affaire contre paiement de dix millions d'euros par patient infecté.


La condamnation à mort est annoncée le 19 décembre 2006. Le 11 juillet, la Cour suprême confirme les peines de mort pour les six accusés.


Pourquoi le personnel étranger est condamnés et pas le personnel libyen ?

«On suppose qu’il y a eu complot dans cette affaire, les nationaux sont donc exemptés de soupçons», explique Antoine Basbous, politologue et spécialiste du monde arabe, fondateur de l’Observatoire des Pays Arabes. Si le régime libyen soutient cette théorie du complot, deux hypothèses ont cours dans la population libyenne. Pour certains, ce procès serait une façon de masquer la défaillance des hôpitaux en Libye, les dirigeants du pays préfèrent d’ailleurs se faire soigner en Tunisie. Seconde option : le régime aurait commandité l’inoculation du virus à des enfants par vengeance envers la zone rebelle de Benghazi, traditionnellement opposée au régime.


Une grâce est-elle possible ?

Les négociations battent leur plein depuis plusieurs mois (voir ci-après). Elles sont néanmoins fragilisées par les exigences de la Libye qui réclame 10 millions d’euros de dollars (7,26 millions d’euros) par enfant malade. Une somme astronomique, dont le pays n’a pas besoin, que la Bulgarie et l’Union Européenne refuse de payer pour ne pas avoir l’air de reconnaître la culpabilité des condamnés.


Les tractations diplomatiques


Le 30 septembre 2005, Radoslav Gaidarski, ministre bulgare de la Santé, sollicite Marc Danzon, directeur du bureau régional de l'Europe de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), pour intervenir directement dans les négociations.


Un accord entre Tripoli et Sofia est trouvé le 23 décembre 2005 pour la création d'un fonds de compensation international au bénéfice des enfants libyens atteints du sida.


Le 5 janvier 2006, Philippe Douste-Blazy, alors ministre des Affaires étrangères, est en visite en Libye, où il rencontre les cinq infirmières bulgares.


Le 13 octobre 2006, Sergueï Stanichev, Premier ministre bulgare en visite à Paris, s’entretient avec Jacques Chirac. Le 26, Philippe Douste-Blazy confirme que des enfants libyens malades du sida suivent des traitements dans plusieurs villes européennes, dont françaises.


Des négociations entre émissaires européens et diplomates libyens ont lieu les 10 et 11 juin 2007. Fin juin 2007, un compromis est presque conclu entre l'Union Européenne et la Libye: il échoue finalement sur le montant des compensations financières.


Le 10 juillet, la Fondation Kadhafi annonce un accord sur les compensations financières avec les familles des victimes. «Cet accord satisfait toutes les parties et met fin à cette crise», déclare alors, Salah Abdessalem, le directeur de la Fondation Kadhafi qui conduit les négociations entre la Libye, l'Union européenne et les familles des victimes.sans donner plus de détails. Le lendemain, la condamnation à mort des infirmières est confirmée.


Quel est le rôle de la Fondation Khadafi ?

Très active dans les négociations, elle a multiplié les annonces ces derniers mois, notamment en affirmant mardi qu’un accord sur les compensations financières avait été trouvé.

Financée par des fonds publics, elle «représente la voix du maître et du prince héritier», selon Antoine Basbous. «Elle sert de boîte politique et humanitaire à l’Etat libyen, explique-t-il. Elle est en quelque sorte sa face sympathique.» La fondation est notamment intervenu pour la libération d’otages retenus sur l’île de Jolo, aux Philippines.