VIDEO. Etats-Unis: Une reconstitution de la mort de Michael Brown crée la polemique
CULTURE•L'exposition, qui met également d'autres oeuvres en avant, se tiendra jusqu'au 10 août à Chicago...20 Minutes avec agences
«C'est vraiment bouleversant, dégoûtant». C'est par ces mots que le père de Michael Brown, tué le 9 août dernier par un policier à Ferguson, a qualifié la reconstitution hyperréaliste de la mort de son fils, qui, exposée dans la galerie Guichard à Chicago, suscite la polémique.
Interrogé par la chaîne CBS News, l'homme, qui porte le même nom que son fils décédé se confie : «Cette image est gravée dans ma tête». Ecoeuré, il ajouté : «J'aimerais vraiment, vraiment, qu'ils retirent ça».
Dénoncer le racisme ambiant outre-Atlantique
Baptisée « Confronter les vérités: Réveillez-vous ! » (« Confronting Truths : Wake Up ! »), l'exposition, créée par l'artiste blanche Ti-Rock-Moore (qui décline également d'autres oeuvres sur cette même thématique), souhaite, via cette reconstitution, dénoncer le racisme «endémique» dans un pays marqué récemment par plusieurs morts violentes sous les balles de la police. Dans la présentation de l'exhibition, elle explique : « J'explore le privilège des Blancs à travers la vive conscience que j'ai de l'avantage indu donné par ma peau blanche ».
Installée dans un quartier majoritairement noir de Chicago et «spécialisée dans l'art de la diaspora africaine», la galerie souhaite, à l'instar de Ti-Rock-Moore, encourager les visiteurs à «se joindre au débat pour commencer à panser les plaies».
Pourtant, en foulant le sol de la petite galerie, c'est d'abord la reconstitution de la dépouille de Michael Brown tombé sous les balles, un cordon jaune de police délimitant la scène, que voient les visiteurs. C'est précisément cette vision de l'acte, à l'origine de nombreuses émeutes, qui continue de choquer une partie de l'opinion suite à la récente vague de violences policières à l'encontre d'américains de la communauté noire.
Une oeuvre qui ne fait pas l'unanimité
« Le souvenir du corps profané de Brown est déjà gravé dans toutes les maisons et tous les quartiers et tous les coeurs de tous les Noirs qui se sont rendus compte que ce pays ne nous a jamais aimés », s'indignait ce lundi Kirsten West Savali, journaliste du site The Root, spécialisé dans les affaires concernant la communauté afro-américaine. « Nous n'avons pas besoin qu'une artiste blanche « courageuse» appose sa signature sur le corps de notre défunt pour le comprendre », poursuivait-elle.
A contrario, le propriétaire de la galerie, Andre Guichard estime que l'exposition « joue exactement son rôle » c'est à dire celui de poursuivre le débat sur les relations raciales dans ce pays » soulignant que « toute oeuvre qui place un miroir face aux aspects les plus laids de notre société peut provoquer une réaction viscérale chez les gens ».
Les recettes liées à l'exposition seront reversées à l'association de la mère de Michael Brown
Du côté des visiteurs, les avis sont mitigés. Henry Voellmecke, un étudiant en arts qui confiait avoir été ému par les « puissants messages » de l'exposition explique : « Ses intentions sont bonnes mais ce n'est pas à nous de réfléchir là-dessus ni de le raconter car ce n'est pas notre histoire ». Ressortant enthousiaste, Luther Kush, un artiste de 75 ans, disait lui «applaudir» l'artiste. «J'adore ça. Il faut le faire. L'art réveille les gens.» a-t-il affirmé. Selon Les Inrocks, les recettes de l'exposition, qui se tiendra jusqu'au 10 août, seront reversées à l'association de la mère de Michael Brown, qui a soutenu l'initiative.