INTERVIEWCrise grecque: «La France est coincée, elle ne peut pas se renier»

Crise grecque: «La France est coincée, elle ne peut pas se renier»

INTERVIEWLe chercheur Philippe Moreau Defarges évoque la clémence de Paris envers Athènes...
Victor Point

Propos recueillis par Victor Point

La méchante Allemagne et la clémente France… Depuis le début de la crise grecque, dont le prochain épisode devrait se dérouler dimanche, la bienveillance française répond toujours à l’intransigeance allemande. Pourquoi cette posture ? Pour des raisons plutôt pragmatiques, répond Philippe Moreau Defarges, chercheur à l’Ifri sur l’Europe et auteur de « L’histoire de l’Europe pour les Nuls (First, 2013).

D’où vient cette mansuétude du gouvernement français envers la Grèce ?

Elle est principalement due à deux raisons. Premièrement, la France est un pays aujourd’hui très endetté, il lui est difficile de ne pas se montrer compréhensive... Deuxièmement, elle a toujours assumé, depuis le début de la construction européenne, être un intermédiaire entre les pays du nord et du sud de l’Europe. Elle ne fait qu’endosser ce rôle.

Par ailleurs, la Grèce doit beaucoup à la France pour son entrée dans l’Union européenne…

En effet, si Athènes rallie l’UE en 1981, c’est grâce à l’appui vigoureux de Valery Giscard d’Estaing et à son fameux « on ne claque pas la porte au nez de Platon ». Par la suite, des liens forts vont se nouer entre François Mitterrand et Andreas Papandréou, qui représentaient tous les deux le socialisme méditerranéen.

Mais ce lien est à double tranchant, puisqu’à partir de son intégration, la Grèce va vivre sous perfusion de l’Union européenne. Chaque année, 5 à 6 % du PNB provient directement de subsides de l’Europe. En fait, la France est coincée depuis le début, parce qu’elle ne peut pas se renier…

Au fond, Paris se présente comme le protecteur indulgent d’une Grèce malade mais attachante. Cela frise la condescendance.

Mais il y a une hiérarchie en Europe, il ne faut pas s’y tromper ! La Grèce y est un petit pays, alors que la France « doit tenir son rang », comme aurait dit Mitterrand. Athènes sera vraiment indépendante une fois qu’elle redeviendra maîtresse de ses finances, et elle est actuellement beaucoup trop endettée. Depuis son indépendance, la Grèce fait régulièrement faillite : elle doit gagner en crédibilité.