RECIT«Dis Papa, c’est quoi la drachme?»: Le «Grexit» intrigue aussi les enfants grecs

«Dis Papa, c’est quoi la drachme?»: Le «Grexit» intrigue aussi les enfants grecs

RECITLes parents grecs sont confrontés aux questions des enfants sur la crise grecque et le référendum imminent...
De notre envoyée spéciale à Athènes (Grèce), Laure Cometti

De notre envoyée spéciale à Athènes (Grèce), Laure Cometti

«Maman, pourquoi les gens font la queue devant la banque ? ». La question est posée par Elena*, six ans. Sa mère est un peu ennuyée. L’école est finie depuis la semaine dernière, et Elena s’apprête à rentrer à l’école primaire en septembre. En attendant, les vacances lui laissent le loisir de percevoir les débats complexes qui agitent la Grèce en ce début d’été.

« On évite de parler de chômage devant notre fille »

Les files d’attente devant les distributeurs de billets ou les réflexions de ses parents sur la fermeture des banques intriguent la fillette, explique sa mère. « En ce moment, notre pays a des problèmes, c’est pour cela que Papa et maman vont voter dimanche, comme les autres Grecs, et ensuite on verra bien », lui répond invariablement Irina. Devant les enfants, les sujets trop graves sont bannis des conversations : « on évite de parler de chômage pour ne pas l’inquiéter ». La tâche n’est pas simple. « En ce moment la télé est allumée en permanence à la maison », reconnaît Irina.

« L’autre jour, Elena a demandé à son père ce qu’était la drachme ». Pour la fillette, le référendum se résume à choisir entre l’euro ou l’ancienne monnaie nationale. Que préfère-t-elle ? « L’euro ! » Evidemment, elle n’a connu que la monnaie unique », acquiesce Irina.

Selon Neonila Papadopoulo, il faut toutefois donner des réponses aux enfants en fonction de leur âge. « Entre 6 et 10 ans, ils ont surtout besoin de sécurité et de routine, il faut les rassurer face au changement », souligne cette psychologue qui exerce depuis une quinzaine d’années en milieu scolaire. « Les plus âgés sont capables de se former leur propre opinion sur le monde qui les entoure, c’est le rôle des parents de les aider à s’exprimer et s’informer sur le monde qui les entoure ».

527.000 enfants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2013

Depuis le début de la crise, dès 2008, elle observe une recrudescence des cas d’hypersensibilité, des troubles du sommeil ou de l’alimentation, des phobies et de l’agressivité. Bien sûr, les conséquences matérielles sont les plus difficiles à accepter. Certains arrivent à l’école le ventre vide, raconte Nikos, dont la sœur est institutrice dans une école à Marousi, dans la banlieue athénienne, principalement fréquentée par des enfants originaires de Syrie, de Pologne ou du Sri Lanka. Difficile de leur expliquer les ressorts d’une crise aussi complexe, dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas toujours très bien. En 2013, 527.000 enfants vivaient sous le seuil de pauvreté selon l’Unicef.

Des réponses simples et claires

Les répercussions psychologiques sont souvent trop sous-estimées. Il est donc primordial d’expliquer la situation particulière que traverse le pays. L’école et un lieu privilégié pour cela. « J’emploie des termes simples, je ne fais pas d’assertions partisanes ou définitives, et si je n’ai pas de réponse claire, je prends le temps de me renseigner avant de répondre le lendemain », explique Nikos, instituteur dans le privé. Ses élèves ont sept ans et ils l’interrogent sur l’actualité et les sujets très médiatisés que sont le référendum et la précarité galopante.

Il faut également éviter de transférer ses angoisses à sa progéniture. « Vouloir cacher à tout prix ses angoisses ne fonctionne pas, les enfants ressentent le malaise de leurs parents, même lorsqu’il est tu », explique la Neonila Papadopoulo, dont la carte bancaire a expiré il y a quelques jours. Après avoir entendu sa mère s’en inquiéter, son fils de 10 ans lui a tendu sa tirelire. « Je l’ai remercié mais lui ai dit de garder ses sous, et que même sans carte nous nous en sortirions bien », raconte-t-elle. De nombreux parents culpabilisent de ne plus pouvoir payer de vacances ou de loisirs à leur progéniture. « Il faut les rassurer sur la pérennité de valeurs comme l’amour, l’amitié, la morale. »

*Le prénom a été modifié.