DECRYPTAGEArmement: Pourquoi la Russie s’affiche au Salon du Bourget

Armement: Pourquoi la Russie s’affiche au Salon du Bourget

DECRYPTAGEAlors qu’un embargo sur les achats et les ventes d'armes, de matériel militaire et de biens à double usage militaire et civil est en place à l'encontre de Moscou depuis juillet 2014, 37 sociétés russes sont présentes au Bourget jusqu’à dimanche...
Le stand de United aircraft corporation, consortium rassemblant les principales unités de constructions civiles et militaires de Russie (Soukhoï, MiG, Tupolev, Iliouchine, Yakovlev, Beriev et Irkut), au 51e Salon international de l’aéronautique et de l’espace, au Bourget, le 17 juin 2015.
Le stand de United aircraft corporation, consortium rassemblant les principales unités de constructions civiles et militaires de Russie (Soukhoï, MiG, Tupolev, Iliouchine, Yakovlev, Beriev et Irkut), au 51e Salon international de l’aéronautique et de l’espace, au Bourget, le 17 juin 2015. - B.Dubuc/20 Minutes
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

Des chasseurs Su-35, des hélicoptères de combats Ka-52, ou encore des systèmes sol-air Igla-S. C’est le type d’armement sur lesquels on peut tomber au détour des allées moquettées des halls de la 51e édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE), qui se tient au Bourget(Seine-Saint-Denis) jusqu’à dimanche et qui sera ouvert au grand public dès vendredi.

« Certains pays contre lesquels existe à ce jour un embargo sur les armes sont malheureusement bien présents sur le Salon », déplore Aymeric Elluin, chargé de la campagne Armes et impunité à Amnesty International France. La Russie, contre laquelle les Européens ont décidé d’un embargo sur les achats et les ventes d’armes, de matériel militaire et de biens à double usage militaire et civil- en juillet 2014 en lien avec la crise en Ukraine, est ainsi représentée par 37 sociétés. Parmi eux, figurent neuf producteurs d’équipements militaires et de matériel de combat: MiG, Soukhoï, Tupolev, Hélicoptères de Russie, et même Rosoboronexport, l’agence russe chargée des exportations du complexe militaro-industriel du pays.

« Les exposants russes ont tout à fait le droit d’être présents »

Du côté des organisateurs, on explique qu’il n’y a « pas de critères pour choisir les exposants », et que, « comme tout salon dans le monde, le SIAE accueille toutes les sociétés qui le souhaitent ». Seule limite : la taille du parc des expositions du Bourget. « Ce sont des stands d’industriels, qui sont là pour faire du business, rencontrer du monde… Et les exposants russes ont tout à fait le droit d’être présents. Ils ont souhaité obtenir des stands, nous les leur avons accordé, comme pour tous les autres pays… », précise-t-on. La Russie est en effet un participant permanent du SIAE depuis 1957.

« Elle était présente durant la Guerre froide, confirme Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Il y a encore quelques années, il y avait même des démonstrations de chasseurs russes, alors que peu d’étrangers sont invités à le faire. » L’objectif de ces exposants ? « Tout simplement être là, montrer qu’ils occupent le marché, faire des RP… », énumère Aymeric Elluin, qui déplore que « l’embargo n’interdise pas la promotion ». « Quand il y a promotion, il y a une incitation au négoce d’armes avec ces pays », juge-t-il.

« Les embargos ne durent pas ad vitam aeternam »

« C’est un salon international, où tous les Etats présentent leurs produits, leur savoir-faire… Si des clients Indiens par exemple sont intéressés, il est normal que les entreprises russes puissent entamer des discussions avec eux. Pourquoi n’en auraient-ils pas le droit ? », note le spécialiste Yves Boyer. « Nous ne sommes pas en guerre, il y a des tensions, mais il faut raison garder, la Russie n’est pas le grand méchant loup. Cet embargo est de nature politique, mais dans le même temps, le business continue », poursuit-il. Et d’ajouter : « Les embargos ne durent pas ad vitam aeternam. Il faut maintenir les liens. »

Le commissaire général du salon, Emeric d’Arcimoles, a d’ailleurs indiqué la semaine dernière dans une interview qu’il avait « vendu » le salon du Bourget auprès de Moscou, précisant avoir reçu « un soutien appuyé de notre ambassade dans la capitale russe ». « Les industriels ont l’habitude de ne pas mélanger leur business et les considérations politiques du moment. Aux pires moments de la Guerre froide, les avions soviétiques étaient toujours très présents au Bourget. Alors on ne va pas se laisser prendre en otage par les tensions actuelles… », martelait-il. « L’embargo n’interdit pas les discussions avec les entreprises russes. Il vaut mieux faire du commerce que la guerre ! », reprend Yves Boyer. Quitte à faire du commerce pour faire la guerre.