TERRORISMEBelmokhtar, Al-Wahishi, Ben Laden: Comment confirmer ou infirmer la mort d'un chef terroriste?

Belmokhtar, Al-Wahishi, Ben Laden: Comment confirmer ou infirmer la mort d'un chef terroriste?

TERRORISMEVidéo, analyses ADN ou biométrie vocale permettent de démêler le vrai du faux…
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

Le démenti a été rapide. Quelques heures après l’annonce par le gouvernement libyen du décès de Mokhtar Belmokhtar, à la tête d’Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique) dans une frappe américaine, le groupe djihadiste libyen Ansar Asharia a infirmé l’information. Dans le même temps, la branche yéménite de l’organisation terroriste a annoncé ce mardi la mort de son numéro un, Nasser Al-Wahishi, dans une attaque de drone américain. Lorsqu’un chef terroriste est éliminé, plusieurs moyens permettent de confirmer sa mort ou de l’infirmer.

L’annonce du groupe terroriste fait foi

« La confirmation la plus sûre qui soit émane de l’organisation terroriste elle-même. Les djihadistes appellent à mourir en martyrs, donc quand l’un d’eux tombe, ils le disent », explique Mathieu Guidère, spécialiste des mouvements terroristes et professeur d’islamologie et de géopolitique arabe à l’université de Toulouse. Pas de raison de douter de la vidéo postée sur YouTube par Al-Malahem, le service de propagande d’Aqpa (Al-Qaida dans la péninsule arabique) qui annonce la mort de Nasser Al-Wahishi, remplacé ce mardi par son chef militaire, Qassem Al-Rimi.

Parfois, la confirmation du décès se fait par analyse ADN. A condition bien sûr de disposer de la dépouille, comme ce fut le cas pour Oussama Ben Laden, dont la mort a été avérée par des analyses ADN réalisés par les Américains, qui avaient capturé le responsable des attentats du 11 septembre 2001.

Le recours à la biométrie vocale

Autre moyen : le recours à la biométrie vocale, une technique d’identification par la voix. « Lorsque des chefs terroristes s’expriment par vidéo, notamment pour revendiquer des attaques, les autorités disposent ainsi de leur biométrie vocale. Elle est enregistrée par informatique et des satellites se chargent de passer aux cribles toutes les communications pour les identifier. Surtout les Américains », ajoute Mathieu Guidère. « Si l’un d’eux meurt, il disparaît des radars ».

Mais dès que l’un d’eux est identifié, « cela déclenche une alerte : un ordre est immédiatement envoyé à un drone sur la zone auquel la localisation GPS est communiquée. En moins de trois minutes, une attaque peut être coordonnée », détaille-t-il. D’ailleurs, régulièrement, les services de renseignement annoncent la mort d’un chef terroriste, même si c’est faux. « C’est la technique de l’enfumage, pour obliger la cible à sortir de son terrier et à rompre le silence », décrypte Mathieu Guidère. Et quand ça marche, il n’y a plus qu’à « cueillir » l’imprudent.

Démenti par voie indirecte

C’est pour cela que lorsqu’il s’agit d’infirmer le décès d’un chef terroriste, le démenti se fait par voie indirecte. C’est ce qu’il s’est passé ce mardi : le groupe djihadiste libyen Ansar Asharia, visé par une frappe américaine en Libye, a démenti que le chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar avait été tué dans le raid, comme l’avait annoncé le gouvernement libyen. « Puisque les chefs terroristes sont traqués sur l’ensemble des réseaux de communication, rappelle Mathieu Guidère, Belmokhtar n’allait pas décrocher son téléphone pour dire qu’il est vivant en sachant qu’il peut être attaqué par un drone dans les trois minutes ! »

Bien qu’indirects, ces démentis sont relativement fiables. « Il n’y a aucun intérêt à cacher la mort d’un chef terroriste, relève le spécialiste des mouvements djihadistes. Ni pour l’organisation, qui ne pourrait plus fédérer faute de ne plus inspirer confiance, ni pour le terroriste lui-même, pour qui ce serait la honte, lui dont le but est de mourir en héros, en martyr ».