Muhammadu Buhari, un ex-général putschiste, investi président du Nigeria
MONDE•Son arrivée au pouvoir marque la première alternance démocratique depuis 1999…A.Ch. avec AFP
Muhammadu Buhari, un ex-putschiste se disant «converti à la démocratie», a été investi ce vendredi président du Nigeria. L'arrivée au pouvoir de ce Peul, originaire du Nord à majorité musulmane, est lourde de symbole: il s'agit de la première alternance démocratique depuis la fin des dictatures militaires au Nigeria en 1999.
«Il va devoir se comporter comme un dictateur malgré la Constitution»
Âgé de 72 ans, ce père de dix enfants a promis l'exemplarité et la fermeté face aux atrocités de Boko Haram, à la corruption généralisée et aux graves difficultés économiques du Nigeria, première puissance du continent. «Pour réussir à régler ces problèmes épineux, il va devoir se comporter comme un dictateur malgré la Constitution, ignorer les critiques et tenir éloignés les flatteurs», prédit un ancien haut gradé de l'armée. «C'est le moment pour lui de montrer les dents contre la corruption», estime l'éditorialiste Tokede Williams, l'appelant à jouer son rôle de «faucon».
Le 31 décembre 1983, Muhammadu Buhari, alors général dans l’armée nigériane, avait déposé par un coup d'Etat militaire le président Shehu Shagari. Chef d'une junte jusqu'en août 1985, il a imprimé sa marque en combattant la corruption et en déclarant une «guerre contre l'indiscipline».
Une chape de plomb
Ses adversaires se souviennent surtout d'une chape de plomb imposée par le régime militaire. Il a notamment fait exécuter publiquement sur une plage de Lagos, la capitale économique, trois jeunes condamnés pour trafic de drogue, et ordonné l'arrestation de Fela Kuti, le célèbre chanteur d'afrobeat et militant des droits civiques mort en 1997. Il a aussi provoqué un grave incident diplomatique avec le Royaume-Uni, l'ancien colonisateur: un ex-conseiller du président Shagari réfugié à Londres avait été retrouvé drogué dans une caisse à l'aéroport de la capitale britannique, dans un avion à destination de Lagos.
En août 1985, le général Buhari, à son tour renversé, disparaissait de la vie publique pour une vingtaine d'années. Il a fait son retour à la tête d'une agence gouvernementale qui finance des projets de développement grâce aux revenus du pétrole.
«Exceptionnellement exempt de corruption»
«Il n'est pas très communicatif, il est réservé mais compétent», décrit l'analyste politique nigérian Ayo Banjoko. «Il est animé par un zèle messianique. Il a un côté rigide et intransigeant». Un ancien haut gradé de l'armée loue l'intégrité d'un homme «exceptionnellement exempt de corruption». Contrairement à de nombreux dirigeants nigérians, il n'a pas accumulé de magot durant ses 20 mois au pouvoir et a même dû souscrire un prêt bancaire de 27,5 millions de nairas (123.000 euros) pour payer son droit à la candidature à son parti, le Congrès progressiste (APC).