ARMEMENTSyrie: Les restes explosifs de guerre menacent Kobané

Syrie: Les restes explosifs de guerre menacent Kobané

ARMEMENTLes armes utilisées lors des combats dans la ville et dans les villages alentours mettent encore aujourd’hui en danger les populations civiles, selon un rapport d’Handicap International...
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

L’une des pires contaminations par des restes explosifs que les spécialistes d’Handicap International ont vue. Alors que Kobané a été reprise aux combattants de l’organisation Etat islamique en janvier, les dommages causés par les combats dans la ville et dans les villages alentour ont encore des conséquences aujourd’hui.

Comme l’explique le rapport d’Handicap International intitulé Kobané, Le piège des restes explosifs, des restes explosifs de guerre (munitions non explosées et munitions explosives abandonnées par les belligérants) et des pièges explosifs installés avant leur fuite par les djihadistes dans « de nombreux cadavres », « dans les maisons, fixés dans les meubles, portes et fenêtres, dans des véhicules (…), dissimulés dans les systèmes d’approvisionnement en eau et les terres cultivables », mettent en danger les populations qui tentent de s’y réinstaller et d’y reconstruire leur vie.

1,1 million de personnes menacées

Restes d’armes et de munitions de fabrication industrielle (bombes d’aviation, cartouches de petit calibre, armes à sous munitions, grenades, missiles, mortiers, roquettes et obus) ou artisanale, le centre de Kobané est ainsi « jonché d’armes explosives, avec une densité moyenne de 10 munitions au mètre carré », note ainsi le rapport. « Cette densité et cette diversité sont un peu inédites, explique à 20 Minutes Gilles Delecourt, directeur de la Direction de l’action contre les mines d’Handicap International. Nos collègues ont dit avoir déjà vu cela auparavant dans les Balkans, à Sarajevo par exemple, ou à Beyrouth. »

Ces restes explosifs de guerre menacent 1,1 million de personnes dans le gouvernorat d’Alep, où est située Kobané, ajoute le rapport. Lors de la mission d’évaluation d’Handicap International, en avril, « une moyenne de 5 à 7 accidents par semaine était recensée » et « les dispositifs piégés et les mines antipersonnel artisanales ont coûté la vie à plus de 40 personnes et fait de nombreux blessés ». « Nous ne disposons pas du nombre exact de victimes liées à cette pollution, mais le piégeage a été réalisé à grande échelle -maisons, points d’eau, tout ce qui est lié à la survie de base », indique Gilles Delecourt. Et, si les civils sont les premiers en danger par ces armes non explosées ou ces pièges, la cinquantaine de personnes qui constituent les équipes civiles de déminage des autorités kurdes risquent aussi leur vie, par manque de formation.

« C’est la roulette russe »

« Ce sont des militants extrêmement dévoués, mais ils n’ont pas la formation de base pour effectuer cette dépollution, même pour leur propre sécurité », explique Gilles Delecourt, pour qui ces démineurs « doivent travailler avec les normes de sécurité nécessaires pour les protéger et pour protéger les populations civiles ». Handicap International intervient donc pour former ces équipes, mais aussi pour sensibiliser les populations pour qu’elles prennent conscience de la présence de ces engins. « Elles reviennent et cherchent des effets personnels, ou souhaitent commencer à reconstruire. Mais dès qu’elles déplacent une pierre, il y a un risque que quelque chose se déclenche. C’est la roulette russe. Elles doivent savoir qu’elles ne doivent pas y toucher, et comment faire remonter l’information pour que les équipes de déminage interviennent. »

L’ONG alerte sur la nécessité d’effectuer ce travail de déminage et d’enlèvement des débris, mais pour que la sécurisation des différentes zones s’accélère, « il faut des financements et des opérateurs », souligne Gilles Delecourt. « C’est réalisable, si les investissements sont faits. Il est urgent que les Etats et la communauté internationale s’impliquent financièrement », martèle-t-il.