Daesh : Où en sont vraiment les djihadistes sur le plan militaire?
DECRYPTAGE•Le groupe Etat islamique, qu’on disait en perte de vitesse, a gagné du terrain en Irak, mais en a perdu en Syrie ce week-end...B.D.
On disait les djihadistes du groupe Etat islamique sur le point de prendre Palmyre, en Syrie, mais ils se sont finalement repliés, et ont par ailleurs conquis la ville de Ramadi, en Irak. Sont-ils en perte de vitesse ou, au contraire, gagnent-ils encore du terrain en Irak et en Syrie ? 20 Minutes fait un état des lieux.
Que s’est-il passé dimanche à Palmyre, en Syrie ?
Alors qu’ils avaient réussi à s’emparer samedi de la majeure partie du nord de la ville, trois jours après le début de leur offensive, les djihadistes ont été repoussés par l’armée syrienne. De violents combats se sont poursuivis ce lundi en périphérie de la cité, où ils sont repliés. Pour Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) après son premier coup d’arrêt à Kobané, l’EI a changé de tactique : « Quand ils se sentent en infériorité, ils préfèrent préserver leurs combattants -dont le nombre est estimé entre 35.000 et 40.000, ce qui n’est pas extraordinaire pour l’immense zone qu’ils ont à couvrir-, et se replier à quelques kilomètres, sur des positions plus favorables, et attendre. »
En quoi cette ville est-elle stratégique ?
« C’est une bataille plus symbolique que tactiquement intéressante pour l’EI », souligne Alain Rodier. Certes, la ville située dans le désert syrien est limitrophe de la frontière irakienne et de la province d’Al-Anbar, que le groupe contrôle déjà en grande partie, et pourrait lui permettre de faire la jonction. Mais c’est surtout sur le plan psychologique que la prise de Palmyre est intéressante : cette ville vieille de plus de 2.000 ans est célèbre pour ses ruines inscrites au patrimoine mondial de l’Humanité de l’Unesco. « Les djihadistes ne manqueraient pas de choquer une fois de plus le monde en détruisant ce site », note Alain Rodier.
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Et que s'est-il passé en Irak ?
« Il n’est pas étonnant que Ramadi soit tombée, juge Alain Rodier. La ville est située en pleine zone d’action de l’EI, dans la province d’Al-Anbar, aux mains du groupe depuis décembre 2013. » Pourtant, la chute de Ramadi « représente une défaite très lourde pour le gouvernement irakien et ses parrains internationaux », l’Etat islamique contrôlant désormais « trois capitales provinciales à travers la Syrie et l’Irak, alors qu’il n’en contrôlait que deux lorsque les Etats-Unis sont intervenus militairement, en août 2014 », juge dans Le Monde Charles Lister, analyste au Brookings Doha Center.
Cela lui ouvre-t-il les portes de Bagdad ?
« Pas plus qu’auparavant, estime Alain Rodier. Ramadi est certes située sur l’axe qui mène à la capitale, mais il y a d’autres villes à prendre avant d’y arriver, et il y a une grande différence entre prendre une ville comme Ramadi et prendre Bagdad. » Des milices chiites ont d’ailleurs été envoyées vers Ramadi pour apporter leur soutien aux forces gouvernementales. « Si elles arrivent à mobiliser suffisamment, il est toujours possible que l’EI recule », juge-t-il.
Quelles pertes l’EI a-t-il subies ?
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), depuis mercredi et l’offensive du groupe contre la seule ville de Palmyre, 115 combattants de l’EI ont péri. Mais « il est difficile de savoir exactement sans être sur place : les observateurs sont soumis à un flux d’informations totalement biaisées de part et d’autre », prévient Alain Rodier. L’organisation a par ailleurs subi un revers, un commando américain -la première opération au sol revendiquée explicitement par les Etats-Unis contre l’EI- ayant tué à en Syrie 32 de ses membres dont quatre chefs, parmi lesquels celui en charge du pétrole, Abbou Sayyaf. « Mais, malgré cela, les dernières offensives sont toujours venues de l’EI : ils attaquent là où ils le veulent quand ils le veulent, souligne le chercheur. En face, on est dans une position défensive. »