Méditerranée: Pour éviter les naufrages, il existe des solutions à court terme
HUMANITAIRE•L'idée de rétablir Mare Nostrum tout en impliquant l'ensemble des pays européens revient notamment avec insistance...Nicolas Beunaiche
Les naufrages de trop? Après la mort de nombreux migrants en Méditerranée dans la nuit de samedi à dimanche, puis ce lundi [on ignore encore le bilan définitif des deux catastrophes], le président du Conseil européen, Donald Tusk, a convoqué un sommet européen extraordinaire pour trouver des solutions au problème, jeudi à Bruxelles. Avant cette échéance, 20 Minutes fait le point sur les pistes déjà évoquées.
Ouvrir de nouvelles voies d’immigration légale
L’idée est avancée par les ONG depuis longtemps, mais elle a été reprise ce lundi par le directeur adjoint de l'Agence de contrôle des frontières extérieures de l'Europe (Frontex) lui-même. «Ce qui aiderait (…) c’est d’ouvrir de nouvelles possibilités d'émigration légale, surtout pour les personnes fuyant les guerres», a proposé Gil Arias. «Il faut redonner toute sa force à l’asile politique», renchérit Michaël Neuman, directeur d’études du Centre de réflexion de Médecins sans frontières (MSF), qui déplore que l’Europe ait «délégué la gestion de cette question à l’Egypte ou à la Tunisie». «Les pays voisins de la Syrie –la Jordanie, la Turquie, la Liban, l’Irak- font également beaucoup plus pour l’accueil des 3,5 millions de réfugiés syriens que l’Europe», ajoute-t-il. Pour François Gemenne, politologue au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), ouvrir des voies légales d’immigration permettrait de «tuer le business des passeurs». «Cela pourrait prendre la forme de quotas, de green cards ou de loteries», précise-t-il. Les ministres de l’Intérieur de l’UE ont discuté de cette stratégie en mars, avançant notamment l’idée de financer des centres en Afrique pour traiter les demandes d'asile.
Créer une opération de secours en mer européenne avec de gros moyens
Une opération européenne d’intervention? Cela existe déjà. L’opération Triton a été lancée fin 2014 dans la foulée de Mare Nostrum, la mission militaro-humanitaire italienne. Mais à la différence de cette dernière, Triton n’a pas pour objectif de porter secours aux migrants et reste limitée aux eaux territoriales européennes. Ce lundi, Lacy Swing, le directeur de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a donc encouragé les pays européens à «rétablir» Mare Nostrum, mais à ne pas laisser l’Italie seule à la barre, cette fois. «Il y a 27 autres membres de l'Union européenne, nous pouvons certainement partager la responsabilité de cela, et ça ne coûterait pas trop cher à quiconque», a estimé Swing, qui rappelle que Mare Nostrum a sauvé 200.000 vies entre octobre 2013 et décembre 2014. Bernard Kouchner a avancé une idée quasiment similaire dans Le Parisien sous la forme d’«une flottille européenne de secours». «Pour chaque pays [de l’UE], un bateau de secours. Et s’il en faut deux, eh bien, on en envoie deux!», a déclaré l’ancien ministre des Affaires étrangères. «L’idée est excellente», juge François Gemenne, qui considère que Triton et une opération du type Mare Nostrum peuvent coexister. «Dans tous les cas, il faudra plus de bateaux et plus de financement», appuie Michaël Neuman.
Faire appel à des acteurs indépendants
Actuellement, l’effort de secours repose essentiellement sur les gardes-côtes italiens. Un problème, selon Gilbert Potier, directeur des opérations internationales pour Médecins du monde (MDM). «Il faudrait que l’on fasse appel à toutes les générosités», estime-t-il. Une ONG maltaise, MOAS (The Migrant Offshore Aid Station), est déjà à l’œuvre en Méditerranée, où son navire de 40 m de long a navigué en 2014. Financée par un couple italo-américain, elle a ainsi permis de sauver 3.000 immigrés. Cette année, elle remettra ça de mai à octobre en partenariat avec MSF; une équipe de vingt personnes sillonnera la Méditerranée à bord d'un navire comprenant divers équipements, dont des drones de surveillance. Pour inciter les navires à agir, le Haut-Commissariat aux réfugiés a également proposé en mars de mettre en place des compensations européennes versées aux compagnies maritimes pour les pertes subies pendant le sauvetage de personnes en détresse. Car pour le moment, regrette-t-il, certains cargos n’hésitent pas à se dérouter pour ne plus croiser les routes des migrants…