INTERVIEWMarche à Tunis: «Le terrorisme, ce n’est pas un problème tunisien, ou français, mais universel»

Marche à Tunis: «Le terrorisme, ce n’est pas un problème tunisien, ou français, mais universel»

INTERVIEWLe député tunisien Riad Jaidane participe à la marche actuellement à Tunis pour dire non au terrorisme après l'attentat du musée du Bardo...
Oihana Gabriel

Propos recueillis par Oihana Gabriel

Des milliers de Tunisiens descendent dans la rue ce dimanche midi pour dire non au terrorisme. Et des chefs d’Etat étrangers, François Hollande, Béji Caïd Essebsi, Mahmoud Abbas, Matteo Renzi entre autres marchent à leurs côtés en réponse à l'attentat contre le musée du Bardo qui a fait 22 morts dont quatre touristes français le 18 mars. Riad Jaidane, enseignant à Nice et député tunisien sur la liste indépendante «L’appel des Tunisiens de l’étranger» participe à la manifestation. Il a répondu aux questions de 20 Minutes.

Le Président tunisien Beji Caid Essebsi (centre droite) et Francois Hollande lors de la marche à Tunis contre le terrorisme. - Emmanuel Dunand/AP/SIPA

Vous participez à la grande marche de Tunis actuellement, quelle est l’ambiance?

Je suis actuellement au musée du Bardo, nous attendons les délégations étrangères. Il y a déjà énormément de participants. On attend 150.000 personnes. La manifestation se fait dans de très bonnes conditions. On sent une réelle solidarité pour rendre hommage aux victimes de l’attentat. Pour dire non au terrorisme et à la barbarie.

Est-ce que la sécurité est assurée?

Pour le moment tout se passe bien. Des gendarmes, des policiers en civil assurent notre protection et l’ambiance est plutôt festive.

François Hollande, Mahmoud Abbas, Matteo Renzi marchent pour la Tunisie, est-ce un symbole fort?

J’ai rencontré également la délégation américaine. C’est très important de montrer que cette solidarité s’étend au-delà des frontières. Le terrorisme, ce n’est pas un problème tunisien, ou français, mais universel. Il faut que la communauté internationale se montre unie pour combattre ce réseau criminel de guerre. Qui n’a rien à voir avec la religion.

Vous parlez de solidarité mais le Front populaire, principale formation d'opposition, ne participe pas à cette marche…

En effet. Le Front populaire reproche à Ennahda, présent à la marche, d’avoir fermé les yeux au début de la révolution en 2011 sur l’installation de salafistes en Tunisie. Des enquêtes sont en cours, elles détermineront les responsabilités. Je peux comprendre les réserves du Front populaire, mais je suis favorable à ce que tous les partis marchent ensemble pour combattre le terrorisme. Les groupes terroristes jouent sur le moral. Les marches de Paris et de Tunis sont des symboles forts de l’unité des pays, aussi bien au nord qu’au sud.

Pourquoi selon vous, les terroristes s’en prennent à la Tunisie?

Ils s’en sont pris à deux symboles forts. Le politique d’abord: ils ont visé le Parlement tunisien, première expérience démocratique réussie dans les pays qui ont participé au Printemps arabe. Malheureusement les tentatives de démocratie en Libye et en Egypte n’ont pas été concluantes. D’autant qu’ils ont frappé le premier jour où notre assemblée examinait un projet de loi sur le terrorisme. Deuxième symbole: l’économie. Le musée du Bardo représente une Tunisie tolérante, multiconfessionnelle, mais aussi notre économie. Or la Tunisie dépend énormément du tourisme.

Est-ce que le nouveau projet de loi antiterroriste peut changer la donne?

On sent dans les rues que la population a pris conscience de la gravité de la situation. Et on voit avec cette marche que les Tunisiens sont mobilisés. D’autres manifestations sont prévues dans les grandes villes tunisiennes. Quant à la loi antiterroriste, elle se place dans le même registre que la loi adoptée par la France en 2014. Elle aidera les forces de sécurité à intervenir et à s’adapter aux évolutions du monde moderne, notamment sur la Toile. Mais à mon avis, cela ne suffit pas. Depuis plusieurs années, le pays traverse une grave crise économique. Des jeunes, particulièrement dans des zones délaissées, souffrent. Ils deviennent des proies faciles pour les terroristes. Si on veut éradiquer le fanatisme, il nous faudra travailler pour investir et relancer l’économie.